Voici quelques d’éléments de plus sur la «théologie du peuple» argentine maintenant rendue célèbre par le pape François, venant d’un excellent nouveau petit livre, “Le pape du peuple”, une série d’entretiens avec le théologien Juan Carlos Scannone, par Bernadette Sauvaget

Comme indiqué précédemment, Scannone, qui mentionne sa participation à une importante conférence organisée par MIIC à Rome en 1974, est l’un d’un des trois théologiens argentins aux côtés de Lucio Gera et Rafaël Tello, dont il confirme l’influence sur le pape François, qui étaient responsables du développement de la théologie du peuple.

De manière significative, Scannone réfute toute opposition entre la théologie de la libération et la théologie du peuple, notant que ces évolutions ont eu lieu “à partir de Medellin”, la conférence du CELAM en 1968, “sous l’influence de Gustavo Gutiérrez”.

Scannone comments (p. 77):

La théologie du peuple fait partie de ce mouvement. Ce qui est sûr, c’est que l’Église latino-américaine devient, à partir de ce moment-là, une Église source et non plus une Église miroir, surtout de l’Europe.

Ils ont créé, en 1966, un groupe, la Commission épiscopale de pastorale, la COEPAL. Dans la lignée du Concile, il s’agissait de susciter une pastorale d’ensemble pour l’Argentine. La théologie du peuple va naître au sein de cette commission. La COEPAL a fonctionné jusqu’au début de 1973. À ce moment, les évêques l’ont arrêtée mais le groupe a continué de se réunir et de réfléchir ensemble, de publier.

Sauvaget pose une autre question importante: qui étit dans cette commission?

C’était un groupe d’évêques, de théologiens, de religieux et de religieuses. Parmi les évêques, figurait Mgr Enrique Angelelli, qui, en 1976, a été assassiné par les militaires. Professeur de théologie à la faculté de théologie de l’archidiocèse de Buenos Aires, Lucio Gera était le leader chez les théologiens. Il avait suivi des études de théologie en Europe, à l’Angelicum à Rome et ensuite, pour son doctorat, il était allé à Bonn. Rafaël Tello était l’autre théologien qui comptait dans ce groupe. Lui aussi était professeur de théologie à la faculté de Buenos Aires. Bergoglio a beaucoup d’estime pour l’un et pour l’autre. Ils ont influencé sa pensée et sa pastorale. Parmi les personnalités importantes de la COEPAL, il y avait aussi Justino O’Farrell. Ce prêtre était professeur de sociologie, à l’université nationale de Buenos Aires. Il a joué un rôle essentiel car il était le lien entre la COEPAL, où est née la théologie du peuple, et les « chaires nationales de sociologie » de l’université nationale de Buenos Aires. Justino O’Farrell était l’un des penseurs de la sociologie en Argentine où le thème du peuple avait pris de l’importance.

L’autre apport majeur de la théologie du peuple est sa réflexion sur le thème de l’histoire. La conférence de Medellin se préoccupait surtout du sociostructurel ; celle de Puebla a commencé à s’intéresser à l’histoire de l’évangélisation. Quand on a commencé à parler de l’évangélisation de la culture, on a repris ce thème de l’histoire, de l’histoire de la culture.

Ici encore, il est à noter que le chapitre Gaudium et Spes sur le “développement propre de la culture” a été élaboré selon la méthode voir-juger-agir avec une contribution particulièrement importante d’Albert Dondeyne, en effet le philosophe de Louvain était également depuis de nombreuses années le plus proche collaborateur philosophique de Cardijn et de la JOC.

SOURCES
Bernadette Sauvaget et Juan Carlos Scannone, Le pape du peuple, Bergoglio raconté par son confrère théologien jésuite et argentin, Cerf, Paris, 2015.
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