Le populisme se développe dans de nombreux pays en Europe. Le mot est bien choisi ou non, mais il décrit une dérive de la culture démocratique dont il constitue une véritable pathologie. On trouvera ici un premier article sur la Pologne sous la plume de Henryk Wozniakowski, de la revue Znak de Cracovie. Le second article informe sur la Hongrie. Malheureusement, le populisme n’est pas limité à ces deux pays.

Ces deux articles se trouvaient sur le site de la COMECE et ils ont été retirés à la demande des conférences des Evêques de Pologne et de Hongrie.

Que se passe-t-il en Pologne?

Les choses vont mal en Pologne. L’Europe a de véritables raisons de s’inquiéter des événements qui s’y déroulent. Pourquoi le pays qui a résisté à la crise et qui menait une politique de développement durable exemplaire se met-il à affaiblir ses institutions démocratiques et à imposer des mesures qui tendent à restreindre les libertés civiles ?

Le déclin

Les deux dernières années ont été difficiles pour la Plateforme civique (Platforma Obywatelska, PO), parti centriste au
pouvoir de 2007 à l’automne 2015. En été 2014, éclate le «scandale des écoutes». Les médias entrent en possession d’enregistrements illégaux de conversations privées de ministres et de hauts fonctionnaires. Les propos violents des hommes politiques et leur langage grossier, dévoilant les coulisses du jeu politique fait de coups fourrés et d’intrigues, dégoutent le public.
L’opposition Droit et justice (Prawo i Sprawiedliwość, PiS) de Jarosław Kaczynski triomphe: la politique de PO est sale
! Une nouvelle vague d’accusations concerne une prétendue fraude électorale suite à une publication retardée des résultats des élections municipales. Enfin, en décembre 2014, Donald Tusk, Premier ministre et dirigeant de la PO, quitte la scène politique polonaise pour prendre ses fonctions de Président du Conseil européen. Ewa Kopacz, travailleuse mais sans charisme, remplace Donald Tusk à la tête de la PO.

Le changement

Tous ces événements, ainsi que la crise européenne et surtout le conflit russo-ukrainien, ont suscité des craintes et une envie de changement. En mai 2015 le Président Bronislaw Komorowski a échoué de manière inattendue devant Andrzej Duda, candidat peu connu mais énergique du PiS. Deux nouveaux partis apparaissent: Kukiz 15, un parti antisystème, et Razem, un parti de la gauche radicale. A l’automne, le PiS focalise sa campagne électorale sur des promesses sociales, simples et populistes, comme l’augmentation des allocations familiales ou la baisse de l’âge de la retraite. Sur la scène politique renouvelée et avec un faible taux de participation (51%), Droit et justice obtient 37% des voix et occupe 51% des sièges à la Diète. Ainsi, ce parti obtient la majorité absolue à la Diète grâce à seulement 18% des citoyens disposant du droit de vote.

«Le pouvoir souverain»

Après avoir remporté les élections, le PiS écarte son programme social et se concentre sur les pierres d’angle du régime politique. Jaroslaw Kaczynski prétend que la transition polonaise après 1989, fondée sur les accords de la Table ronde, donc négociée avec des communistes, a été défectueuse et que son parti reconstruira la Pologne, à l’instar d’Orban en Hongrie. Le changement vise à centraliser le pouvoir et limiter le système de checks and balances. Puisque le PiS ne peut pas modifier la Constitution, la Diète avec le président paralysent les travaux du Tribunal constitutionnel. Cet acte permet de voter les lois portant atteinte à l’ordre constitutionnel. Le service civil dépend totalement des décisions politiques. Les médias publics deviennent des «médias nationaux» placés sous la responsabilité directe du gouvernement. Les compétences de la police en matière de surveillance des citoyens augmentent considérablement.
Jaroslaw Kaczynski ne respecte pas le principe de séparation des pouvoirs, commande le Président et le Premier ministre, continue à réaliser son rêve de «pouvoir souverain». Contrairement à ses propos antirusses, sa politique de méfiance vis-à-vis de l’Union européenne ainsi que les ressentiments anti-allemands sont avantageux pour Poutine. Kaczynski semble être un fidèle disciple de Carl Schmitt, le brillant juriste allemand du siècle dernier, théoricien de l’état d’urgence et d’un «décisionnisme» politique donc de la volonté individuelle de l’autorité politique qui s’élève au-dessus des lois.

L’espoir

Pourtant, les restrictions de la démocratie libérale rencontrent une résistance inattendue. Un mouvement social s’éveille: le Comité de défense de la démocratie (Komitet Obrony Demokracji) organise dans les villes polonaises des manifestations qui réunissent des milliers de personnes. La Commission européenne vient d’établir une procédure d’évaluation qui vise à assurer le respect de l’État de droit en Pologne. Jusqu’à présent, les évêques catholiques ont choisi de ne pas s’exprimer publiquement sur cette question. Mais chez les Polonais, la volonté de sauvegarder nos «acquis européens» est puissante et chargée d’espérance.

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