Une exigence se fait jour dans l’esprit de ceux qui observent les choses en profondeur, deux mois après le début de cette phase d’urgence. Il ne s’agit pas de trouver des moyens de revenir là où nous étions, en oubliant le plus vite possible cette parenthèse dramatique, mais de mieux comprendre la leçon qu’elle nous donne, d’en interpréter les signes. Il s’agit de relire l’expérience humaine et croyante dans des situations qui jettent un nouvel éclairage sur des problèmes qui étaient à notre ordre du jour, mais sans priorité.

La pandémie met notre foi à l’épreuve et nous exhorte à redécouvrir son noyau essentiel. Depuis de nombreux siècles, nous sommes habitués à vivre, dans notre pays, dans l’abondance religieuse et la liberté totale. Et nous l’avons fait sans chercher à comprendre pourquoi cette richesse a entraîné une baisse de la fréquentation.

Nos célébrations restent souvent une expérience individuelle, nourrie par une forte connotation sacrée. Et lorsque, dans des situations exceptionnelles, on ne peut pas vivre ces expériences liturgiques, on ressent un sentiment de privation, presque comme un bien spirituel auquel nous aurions naturellement droit.

Nous voudrions mettre 5 points à la réflexion ;

1 – être privé de la possibilité de célébrer l’Eucharistie pendant une longue période place les croyants dans une condition d’absence de la communauté, du repas eucharistique. Mais cela ouvre aussi une grande possibilité de comprendre la profondeur de la foi, car elle est mise à l’épreuve. “dans le silence, il y a un potentiel de clarification, de purification et de compréhension de l’essentiel” a écrit Dietrich Bonhoeffer dans “La vie commune”.

2 – le silence et la solitude peuvent aussi être une grande opportunité d’écouter la Parole, de la lire dans cette situation, où chacun se révèle dans la fragilité et la pauvreté, et découvre qu’il y a une grande espérance de salut. Certains groupes ont choisi de ne pas participer aux célébrations eucharistiques en ligne, mais de partager des expériences de lectio divina, redécouvrant aussi une nouvelle dimension communautaire.

3 – cette pandémie pousse les laïcs et les prêtres à réfléchir à de nouvelles façons de vivre l’expérience de la foi. Non seulement les retransmissions de messes, mais de manière plus substantielle, en reconnaissant dans le foyer et dans la famille un véritable lieu ecclésial, en promouvant les célébrations domestiques avec une extrême créativité. Nous pourrions aussi aller plus loin, vivre des rencontres spirituelles ouvertes à ceux qui sont au seuil de la communauté ecclésiale.

4 – Laîcs, cette expérience laborieuse nous appelle à repenser notre tâche de serviteurs et d’annonceurs de la Parole dans nos lieux de vie, et soulève de nombreuses questions sur le rôle des ministères ordonnés. Ce moment exceptionnel révèle la nécessité d’évaluer toutes les responsabilités engendrées par le Baptême.

5 – Il n’y a pas d’Eucharistie sans lavement des pieds, sans une relation de proximité avec l’autre, avec les pauvres. L’obligation de garder des distances nous appelle à repenser le sens de cette relation. C’est une métaphore pour une façon radicalement différente de concevoir les relations interpersonnelles, la politique, l’économie, les relations internationales, le rapport avec la nature : pour me sauver, je dois faire attention à l’autre.