Comment vivons-nous cette pandémie ? Dans nos mouvements ? Quelles transformations voyons-nous ? Comment envisageons-nous l’avenir ? Après la pandémie comment allons-nous être attentifs à ne pas repartir comme avant ?

Sarah (JOCI) : La réalité des jeunes. C’est déjà très difficile pour les jeunes précaires. Beaucoup ont perdu leur emploi. Pour ceux qui travaillent informellement difficile de travailler. Pas de syndicats, aucune sécurité du travail. Dans la première semaine de mai, nous allons demander à nos mouvements nationaux et aux jeunes eux-mêmes de partager leurs expériences concrètes de vie, par vidéo. Vous pourriez demander à vos membres de faire la même chose et, en juin ou juillet, nous pourrions partager tous ensemble, faire une synthèse des points les plus importants que nous aurons trouvés et rédiger un document commun. On a aussi cette réalité qui est la question des réfugiés avec les frontières fermées et aussi l’augmentation de la violence à la maison.

Georges (FIMARC) : Les producteurs de nourriture sont les plus affectés, agriculteurs, pécheurs… Leur vie est complètement bloquée. La fermeture des frontières affecte les plus marginalisés. Les gouvernements ne leur apportent aucun soutien économique. C’est la situation de la plupart de nos membres. Les transports ne sont plus possibles surtout pour les produits frais. La fermeture des écoles a de graves conséquences car les repas qu’elle servaient étaient fournis par les producteurs locaux. Les gens voient des préoccupations pour l’économie et les banques mais pas de mesures gouvernementales pour améliorer leur quotidien. Dans beaucoup de pays, ce sont les pauvres qui subissent le plus l’impact du virus à cause des fermetures d’activités (surtout en Inde, Kenya, Pakistan et Indonésie). Les recommandations gouvernementales ne sont pas applicables (masques, …). Si le virus devait davantage se répandre dans les campagnes, ce serait un désastre.

Stefan (Cardijn international) : Impossible de se rencontrer au niveau international mais localement les gens se mettent ensemble et continuent les activités. Je ne peux faire d’analyse au niveau international mais je peux dire qu’en Australie, heureusement que nous avons eu les incendies. Le gouvernement en a tiré les leçons et s’est organisé. En ce qui concerne le virus, il y a heureusement peu de cas. Le gouvernement a pris des mesures économiques mais ça montre qu’il y a beaucoup de monde qui n’ont pas les moyens pour un, deux, trois mois. Gros problèmes économiques, pas de moyens, on a hypothéqué les maisons, les personnes se retrouvent sans ressources et pour l’instant pas de solution. Cette pandémie révèle les problèmes structurels et économiques.

Innocent (JECI) : La situation est relativement semblable dans les pays (confinement). La première action est de favoriser la prise de conscience des mesures de protection. Une autre stratégie est de lutter contre les fausses informations grâce à un partenariat avec l’UNICEF. L’UNICEF peut fournir toutes les indications dont on a besoin. On fait une consultation de nos membres sur la manière dont le virus affecte leur vie et celle de leurs proches. Nous avons aussi fait un quizz auquel ils peuvent répondre en utilisant Google form. On envoie une question par semaine. Nous organisons une consultation sur comment développer notre stratégie d’après le Covid en remplacement de nos programmes d’avant le Covid.

Roy (JECI) : Nombreuses consultations avec les régions pour voir l’influence de cette pandémie sur nos membres, leur vie, leur travail. On les soutient, on partage sur le site, on donne des conseils pour que les jeunes prennent des précautions pour lutter contre le virus. Nous avons acheté « Zoom » pour pouvoir planifier des rencontres, des séminaires et de la formation. Au Liban c’est en plus une grosse crise financière, monétaire et sanitaire. Nous ne trouvons plus les biens de première nécessité et surtout pas de stabilité politique. Pas de vrai engagement pour rester confiné, très difficile de rester à la maison, ils sortent pour travailler et se nourrir (Tripoli, la Bekaa). Les hôpitaux ne peuvent pas répondre à cette situation. On manque d’informations. C’est pareil pour l’Asie, l’Irak, l’Amérique Latine. Nous n’avons pas de vision globale de la situation pour le moment.

Philippe (Pax Romana MIIC) : La population du MIIC n’est pas la plus affectée par le virus. Pour commencer, un exemple : un de nos membres est professeur à l’Université de Milan. Depuis qu’il donne des cours en ligne, il a plus d’élèves qu’avant parce qu’évidemment, il n’y a rien d’autre à faire donc on va aux cours. Et puis un autre, Kevin, notre Président, professeur d’Université à New York qui dit que les moyens online permettent d’avoir des contacts différents y compris avec des gens avec lesquels je n’avais plus de relations, qui n’étaient pas forcément à l’aise parmi mes élèves. Ce que l’on essaie de faire ce sont des interviews entre 2 pays de 2 continents différents. Récemment entre quelqu’un qui habite Bruxelles et un autre a=à Libreville, au Gabon.

On essaie aussi de se poser la question : qu’est-ce qu’il y a comme réponse un peu originale ? J’en citerai 2 : une provenant de Corée : les Coréens ont bien réagi au virus parce qu’ils avaient l’expérience du SRAS. Ils savaient comment s’organiser par rapport à une épidémie de virus. Ils ont été surpris de voir que les Européens s’organisaient si peu. Un autre exemple : à Hong Kong où les gens nous disent : nous n’avons aucune confiance dans notre gouvernement. Nous nous organisons nous-même. Et c’est en nous organisant nous même que nous sommes capables de répondre à ces défis.

Une des choses que nous avons créées ce sont des célébrations online non pas sur les modèles des messes télévisées qui sont devenues des spectacles. La dernière célébration, nous l’avons faite le dimanche de Pâques. Ces célébrations sont essentiellement centrées sur la parole : un partage de l’Evangile. C’est une assez belle expérience de se voir sur un écran et la possibilité pour différentes personnes (sur 88) de pouvoir s’exprimer. La prochaine célébration sera à la Pentecôte. Pour nous c’est un jour important car la Pentecôte est considérée comme la fête de Pax Romana et rassembler des personnes de différentes langues ce jour-là, c’est véritablement vivre la Pentecôte.

Clara (MIDADE) : Il y a différentes situations selon les pays. Certains se confinent et ont arrêté toutes les activités économiques. Pour d’autres comme le Brésil les positions gouvernementales ne sont pas les meilleures pour la population. Les mouvements du MIDADE ont arrêté toutes les activités où les enfants devaient être présents. Il y a des responsables nationaux qui continuent de se rencontrer via les réseaux sociaux pour proposer des activités ludiques mais aussi des propositions d’approfondissement (Italie, France, …). Au niveau des pays africains, ils utilisent aussi Facebook pour diffuser des mesures de prévention et des informations utiles pour les enfants et leurs familles pour savoir comment se protéger.

Au niveau de l’Amérique latine, du Brésil etc. ils ont fait des campagnes pour aider les familles vulnérables. Au Pérou (le Manthoc) il y a des enfants qui habituellement travaillent pour aider leurs familles. Bien sûr c’est difficile car pour le moment ils ne peuvent pas travailler et la famille est sans leurs salaires. C’est le MIDADE qui fait les campagnes d’aide pour obtenir de l’argent et d’autres moyens pour aider les familles.

L’équipe de MIDADE World a envoyé un message de Pâques par mail à tous les responsables nationaux pour les soutenir. Elle les a également contactés pour qu’ils se renseignent sur ce que les enfants pensent de leur situation et de la réalité. Elle les aide aussi à faire une proposition et à se réunir pour collecter ces informations et la parole des enfants à travers les mouvements. Ils avaient prévu une rencontre en avril. Ils l’ont reportée en novembre. Ils verront comment adapter leur Plan d’action décidé à la dernière AG. Concernant la question du confinement, dans certains pays, pour les enfants à la maison, c’est la violence, le harcèlement et les abus sexuels. Le Manthoc Pérou partage une campagne avec Amnesty International. Aujourd’hui, après cette rencontre, l’équipe de MIDADE se réunira également pour partager des informations et voir comment poursuivre leur travail à distance.

Ravi (Pax Romana MIEC). Discussion avec les responsables nationaux : l’information sur les mesures de précaution n’arrive pas au niveau des villages, se laver les mains … Ils se préoccupent des communautés marginalisées, et cherchent de l’argent, notamment pour aider ceux qui ont perdu leur travail et ont déjà faim. Ils cherchent à aussi collecter des fonds en ligne. Il n’y a plus de cours en ligne car il n’y a pas assez d’accès à Internet.

Il faut revoir notre plan d’action. il y a de nouveaux cas et on ne sait pas comment sera le futur. On cherche d’autres possibilités pour la formation online, dans le domaine de l’enseignement social de l’Eglise, ou comment créer de nouveaux groupes en ligne. Il faut inventer car on ne peut plus faire de visites des régions.

Maryse (MIAMSI) : L’Afrique n’est pas encore trop touchée par le virus. Les rencontres sont arrêtées. Ils ne sont pas vraiment confinés car pour vivre, ils sont obligés d’aller travailler leur petite terre proche de leur maison. Il y a une grande solidarité. Ils ont tous très peur. Se soignent avec des tisanes qui marchent ou pas. Ils vont voir dans les livres de leurs grands-mères. Intéressant de voir comment ils s’organisent. Nos membres sont des cadres. Ils sont vraiment inquiets de la situation de leurs enfants qui sont actuellement dans d’autres pays partout dans le monde (USA, etc.). Ils sont inquiets aussi pour les enfants déjà non scolarisés et qui trainent dans la rue. Que vont-ils devenir ? Ils essaient de s’organiser mais ce n’est pas facile.

En Asie, nous sommes dans 5 villes. Ils semblaient un peu épargnés mais de plus en plus, le virus les gagne. Dans les îles de l’Océan Indien, ils sont victimes du tourisme qui a apporté le virus. Madagascar organise beaucoup de mesures pour aider, être solidaire. Les gens partent à la campagne, ce qui les protège de la maladie. Tananarive a été contaminée par voyageurs arrivant en avion. Le Liban est très touché. Des personnes ont faim (Tripoli). C’est aussi une question de savoir que des gens proches de nous ont faim. C’est sûrement aussi le cas chez nous, en Europe.

En Europe, nous sommes privilégiés car même si nous rouspétons et faisons des grèves, il y a un gouvernement qui est là pour aider économiquement. Je voudrais parler de beaucoup de solidarités. Bien sûr l’Italie a été très touchée et certaines régions de France comme nous dans l’Est sont très affectées. Il y a des tendances racistes vis à vis des personnes soupçonnées de nous avoir apporté le virus : Evangéliques à Mulhouse, on a entendu beaucoup de choses très dures par rapport à eux. Ce n’était pas facile. Et aussi les Chinois à Luxembourg, on les évite, on ne leur parle plus. Ce sont des choses à noter.

Par rapport aux solidarités, cela a été vécu très fort en Afrique, au Brésil. Les médecins, en Afrique, au Liban, etc. sont épuisés par ce qu’ils vivent actuellement. Ce sont des gens de notre milieu et chrétiens. Ils ont besoin de beaucoup de soutien. On leur écrit. Même 3 mots… On voit ceux qui sont vraiment passionnés.

Education Nationale : le travail en ligne se passe plutôt bien. Pour les bons élèves on voit un suivi des parents mais pour les élèves en difficulté ce n’est pas facile. Des familles dans certains secteurs n’ont pas Internet ou pas du tout de matériel.

Actuellement la pollution a bien diminué, oserons-nous proposer des solutions pour moins polluer dans l’avenir ? Il faut partir sur l’avenir : comment au niveau politique, économique cela va se passer ? Dans notre mouvement, il y a aussi des gens qui « boursicotent », des gens qui travaillent dans des banques et qui sont toujours un peu négatifs et ébranlés. Ils ne savent plus où ils sont. Il est nécessaire de les accompagner aussi. L’Eglise nous accompagne bien.

Nous sommes provoqués par des actions qui ont eu lieu avant et comment passer le cap pour changer après ? Certains disent que nos milieux ne changeront pas : reprendront l’avion, repartiront dans les finances et oublieront les pauvres comme d’habitude. Le rôle de nos mouvements est de préparer l’avenir dans le sens de se dire qu’est-ce qu’on a découvert pendant toute cette période et comment peut-on changer les mentalités pour qu’elles progressent et qu’on ralentisse notre façon de faire ne serait-ce que l’écologie. Tout le monde en parle. Notre planète actuellement, elle revit. Nous, nous sommes affectés mais elle, elle revit. Ce sont des questions fondamentales à voir et je crois que nos mouvements doivent être courageux. C’est un moment fatidique. Il faut être courageux et prophètes. Nous transformer, nous, et dire au monde tout ce qui ne va pas. Nous avons la parole facile et dire que le monde souffre. On savait qu’il souffrait mais cette période de pandémie a été révélatrice. Les mauvaises conditions de logement, les travailleurs qui dorment par terre (Singapour, …).  Pour moi, c’est de l’esclavage. Savoir qu’ils sont malades comme nous, il faut dénoncer ces mauvaises conditions. Je pense à la Syrie et au Liban, c’est à nous de s’affirmer pour qu’il y ait un cessez-le-feu rapide. Pour terminer, nous sommes vraiment à un tournant. Est-ce que nous saurons le prendre pour que le monde soit plus beau et qu’il y ait une vraie solidarité et du vivre ensemble ?

Dominique (MIAMSI et CCIC) : Je suis très frappé par la situation actuelle d’urgence économique et de l’emploi, en France ou ailleurs dans le monde. Je suis inquiet pour l’économie à venir. Actuellement les gouvernements, la Commission européenne prennent des plans d’urgence économiques et sociaux, cela en creusant la dette qu’il faudra rembourser ensuite. Quel monde voulons-nous pour la suite ? Comment revaloriser la situation des soignants mais aussi des travailleurs « invisibles » qui sont indispensables à la marche de l’économie ? Que tous ces gens-là aient plus de considération et une place mieux reconnue. Le CCIC organise, en novembre prochain, à l’UNESCO, un grand Forum international sur un peu cela. Le titre du Forum est : « Métamorphose du monde. Jusqu’où l’Homme peut- il changer l’humain ? Quelle boussole pour l’éducation ?”

Philippe propose de faire un tour pour que tout le monde partage ce qui est important dans ce qui vient d’être dit.

George (FIMARC) : Le système de santé publique a été ébranlé. Une partie importante est privatisée et les migrants n’y ont pas accès. En Inde, l’extension du Covid a été limitée par l’existence d’un système de santé public. Il y a aussi des sélections parmi les personnes soignées : les personnes âgées, les migrants. Le système de santé a un impact important sur la société. Tous les pays devraient avoir un système public de santé capable de bloquer les épidémies.

Carla (MIDADE) : j’ai aimé écouter tout ce que vous avez partagé. Cette question n’est pas non seulement une question de santé, mais a des conséquences au niveau des familles, conséquences économiques et sociales qui ont des effets au niveau de la pauvreté, du chômage et aussi qui laisse les personnes pauvres avec encore plus de difficultés et ça c’est un défi pour les prochains temps quand la question de la maladie sera plus contrôlée et les conséquences, aussi, pour les enfants.

Philippe (Pax Romana MIIC) : La question que je me pose : quelles sont les idées qui sont actuellement présentes et qui peuvent avoir assez de force pour qu’on puisse les mettre en avant ? Sur la construction du nouveau monde, en référence à l’histoire européenne, Jean Monnet pouvait faire les propositions de la déclaration du 9 mai 1950 en raison de ses 20 ans d’expérience de la Société des Nations. Il pouvait développer une idée déjà existante. La question est: quelles sont les idées existantes aujourd’hui pour ce monde? Quels sont les points forts sur lesquels compter pour ce monde ?

Roy Ibrahim (JECI) : Le monde est en train de redémarrer. En tant que jeune et étudiant, on a un grand rôle à jouer. On sait tous que c’est l’éducation qui est la clé de tout changement dans le monde en termes d’inégalité, de pauvreté donc c’est à nous, vraiment, de soutenir, de plaidoyer ce qu’on veut et pour qu’on puisse changer tout ce que l’on voudrait et aboutir à un développement durable, on a besoin d’une solidarité globale et universelle de tous les jeunes et de tout le monde, aussi.

Innocent (JECI) : Lutter contre l’«infodémie», la mauvaise information, que nos membres soient correctement informés, car cela crée des peurs, des paniques. Il faudra évaluer l’impact du Covid à la fin de l’épidémie. Et, aussi, partager les solutions que nos mouvements proposent. La collaboration avec l’Unicef ​​nous permet de recevoir l’information correcte sur le Covid. Le lien est sur le site JECI.

Ravi (Pax Romana MIEC) : Le MIEC fait un questionnaire d’évaluation, pour définir un document sur les politiques publiques de santé.

Maryse (MIAMSI) : Nous pouvons aussi la partager avec ONU, le Conseil de l’Europe… Nous devons nous étendre à un plus grand groupe afin de partager notre réflexion. Nous devons montrer notre visage en tant qu’Eglise différente, en tant que chrétiens, nous devons demander une certaine politique. Notre rôle est de ruser la vraie vie. La vie du Christ est aussi la vraie vie. Il y a de bons prêtres qui accompagnent vraiment les gens dans ce domaine. Nous avons besoin de courage pour être différents. Comment alerter nos Eglises, politiciens etc… pour éviter un même développement à l’avenir? Ce virus nous ramène à l’action. N’oubliez pas la foi et l’espérance. Peut-être que nous avons également besoin d’une position vis-à-vis de l’Eglise, nous parlons toujours des informations manquantes, peut-être pouvons-nous y travailler.

On se retrouve le 23 mai à 14h00 pour faire le point sur les réactions de nos mouvements face à l’épidémie et on réfléchit sur un texte commun, genre communiqué pour attirer l’attention sur les progrès à faire pour un meilleur vivre ensemble.

Compte-rendu fait par Maryse et Dominique

Présents : Sarah (JOCI), Georges Dixon (FIMARC), Innocent (JECI), Roy Ibrahim (JECI), Ravi (Pax Romana MIEC), Philippe (Pax Romana MIIC), Clara (MIDADE), Stefan, Maryse (MIAMSI), Dominique (MIAMSI et CCIC)

Absents : Marilea (MMTC), Sylvain (ACO), CIJOC, MIJARC