Quelques réflexions

1. Ce Centre doit surtout avoir un rôle d’information, de formation, de liaison, d’animation. Il doit avant tout informer les Autorités hiérarchiques sur les tendances, les problèmes existants, les expériences de l’apostolat des laïcs, d’une parti et d’autre part, il doit recevoir et communiquer fidèlement les inspirations et les suggestions de la Hiérarchie aux responsables laïcs. Il doit être, au fond, comme le haut-lieu du dialogue entre Hiérarchie et laïcat, au sein même de l’Eglise.

Il ne sera donc pas le Secrétariat de la Hiérarchie pour contrôler ou superviser le laïcat; mais bien plus (a) un secrétariat du laïcat pour la Hiérarchie, et (b) un secrétariat du laïcat en vue de la collaboration avec les autres institutions et organisations en dehors de l’Eglise.

2. Ce Centre, avec les divers rouages qui le constitueront (Commissions, Assemblées, etc) doit être l’émanation de l’apostolat des laïcs existant dans l’Église : selon les continents et les races – pour la jeunesse et les adultes – pour les différents milieux de vie et les modes de vie laïcs – en vue des problèmes de coordination et de collaboration avec les institutions publiques et privées aux multiples échelons de l’action apostolique – etc.  C’est pourquoi il ne peut pas être une superstructure, une sorte de chapeau imposé du dehors ou artificiellement, mais une tête, un sommet porté par une base réelle et palpable.  Sa valeur dépendra d’abord du réel qu’il représente, de l’existant, de la consistance de cela sur quoi il est construit. Lui non plus, il n’impose pas d’en haut ; il grandit à partir de l’apostolat des laïcs, existant et vivant.

3. Par le fait même, sa direction et ses responsables doivent aussi provenir et monter de la base, en pleine soumission à la Hiérarchie. Le double fait que ces responsables viendront des mouvements et pourront parler en leur nom, et qu’en même temps ils seront nommés par le Saint-Siège, sera un test évident de la valeur même du rôle des laïcs dans l’Eglise.  On ne pourrait exagérer l’importance et la nécessité du véritable apostolat à la base, si on ne veut pas bâtir sur le sable et se tromper sur la valeur des réalisations et de la formation à des degrés supérieurs. C’est pour éviter cette grave illusion que j’insiste tellement sur la question.

4. La valeur de la formation que ce Centre devra diffuser et promouvoir dépendra de deux réalités importantes :

les matières éducatives : la formation doit partir de la vie et de ses problèmes qui sont la matière première de l’apostolat des laïcs et donc, de l’apprentissage actif qu’ils doivent en faire;

– les méthodes qu’il préconisera et emploiera : il doit vouloir une formation basée à la fois sur des responsabilités découvertes et vécues comme ce véritable apprentissage de l’apostolat, et sur des enquêtes, des faits, des expériences, des réalisations de vie ; la formation ne peut, en aucun cas, être seulement un enseignement, basé sur des idées théoriques, si élevées soient-elles (et la documentation que ce Centre diffusera doit également être établie selon les mimes exigences).  La formation doit se faire, de toute façon, d’après la méthode du dialogue et de la recherche des solutions chrétiennes dans la vie.

5. En réalité, ce Centre Romain de l’apostolat des laïcs doit avant tout aider, soutenir, unir, faire connaître les initiatives prises par les autres, plutôt que d’organiser lui-même. Il doit surtout “être disponible“, savoir recevoir plus qu’il ne donne, apprendre plus qu’il n’enseigne, mettre en valeur le potentiel apostolique existant plutôt que de créer lui-même par son initiative propre.

Ainsi, il ne devrait guère organiser lui-même des sessions d’étude ou des congrès, mais favoriser au maximum ceux dont les mouvements et organisations éprouvent le besoin et qu’ils peuvent porter eux-mêmes avec leurs propres moyens et à leur propre mesure (il devrait même mettre ses locaux à leur disposition pour d’éventuelles activités de ce genre).

6. TRES IMPORTANT

Il est urgent de commencer une consultation loyale des grandes organisations et institutions de l’apostolat des laïcs (les plus valables au niveau international et national), sur les points suivants :

  • l’opportunité d’un tel organisme
  • son rôle, sa conception et son fonctionnement
  • les candidats qu’elles ont à présenter
  • les initiatives qu’elles attendent de cet organisme.

De cette façon seulement, on pourra éclairer les évêques au moment voulu, afin qu’ils puissent, en connaissance de cause, prendre position dans la discussion conciliaire sur cette question.

Jos. Cardijn (janvier 1964, écriture à la main probablement Marguérite Fiévez)

SOURCE  Joseph Cardijn, A propos d’un Centre romain de l’apostolat des laïcs, in AC 1332.