Introduction à la spiritualité de la JECI

Dans notre monde, dans notre Eglise et notre mouvement, on parle beaucoup du besoin d’une spiritualité plus profonde. Les gens sont confrontés à beaucoup de réalités effrayantes : pauvreté, inégalité et chômage ; violence, domination et abus de pouvoir à tous les niveaux ; exploitation et corruption ; la montée d’une culture individualiste, consumériste et compétitive ; et la difficulté à former des relations profondes et durables. Cela laisse beaucoup de gens angoissés par une sensation d’insécurité, de crainte et de désespoir.

Face à tous ces maux, de nombreux types de spiritualité offrant une certaine forme de consolation et d’espoir ont inondé le monde. Malheureusement, beaucoup de ces spiritualités renforcent ces réalités négatives, ou sont de simples subterfuges ! Il est de plus en plus difficile de parler d’un Evangile qui réclame un engagement radical à s’impliquer dans ce monde et à le transformer dans un esprit d’amour, d’ouverture et de dialogue.

La JECI, comme d’autres organisations et personnes avec lesquelles elle partage la même vision, a toujours encouragé une spiritualité de réflexion critique et d’action dans la perspective d’une transformation du monde. Cependant, avec la pression croissante des études et le changement rapide des leaders étudiants, ainsi qu’à travers la difficulté croissante à trouver des aumôniers disponibles et formés à cette spiritualité, sa compréhension et sa pratique ont décliné dans beaucoup de régions du monde.

Pour aborder ce problème, au cours des cinq dernières années, les Equipes Internationales et Régionales de la JECI ont organisé et animé beaucoup de sessions de formation pour des aumôniers, des animateurs et des étudiants, fortement centrées sur une réflexion qui approfondit cette spiritualité. A l’issue de ces sessions, un appel régulier a été fait pour que le fruit des réflexions soit diffusé dans une publication qui pourrait devenir une ressource pour la formation des aumôniers, des animateurs et des étudiants à tous les niveaux du mouvement et au-delà.

La présente Equipe Internationale de la JECI a donc décidé de publier le présent livret en vue de répondre à cet appel. Nous espérons que ce sera une ressource importante pour faciliter la formation et la compréhension de la spiritualité du mouvement par tous les membres, leaders, animateurs et aumôniers de la JECI, ainsi que par toutes les autres personnes concernées par le développement d’ une spiritualité intégratrice. En particulier, en la vivant plus profondément dans nos vies quotidiennes, nous espérons que de plus en plus d’étudiants (et de jeunes en général) seront enflammés par une foi, un espoir, un amour et une joie plus profonds de créer du neuf et d’apporter l’espoir et le changement dans notre monde tourmenté.

Ce livret peut être utilisé simplement comme source de réflexion personnelle. En outre, il peut être utilisé dans un programme de formation de un ou deux jours sur la Spiritualité Intégratrice. À cette fin, quelques propositions de programmes se servant du contenu du livret sont offertes dans les annexes.

 2. Que voulons- nous dire par “Spiritualité” ?

Le mot “spiritualité” peut évoquer une variété de significations, qui se trouvent parfois en conflit les unes avec les autres. Il est donc nécessaire de commencer cette réflexion sur la spiritualité de la JECI en clarifiant le sens dans lequel nous l’emploierons.

Fondamentalement, par spiritualité nous voulons dire “l’esprit avec lequel nous faisons les choses, parce que nous croyons que c’est la manière qui nous permet le plus de rencontrer Dieu”. Il y a toujours deux dimensions pour définir une spiritualité : en définissant la forme qu’elle prend, et en définissant le contenu qu’elle renferme.

La forme que prend notre spiritualité est le contexte, la structure ou la médiation que chaque personne ou chaque groupe doit organiser ou trouver pour lui permettre de découvrir, rencontrer et se sentir plus proche de la réalité ultime de Dieu, de Jésus ou de la Vérité. Certains constatent qu’ils rencontrent Dieu plus profondément par la méditation silencieuse ; d’autres en priant avec le chapelet ; ou en chantant et en priant ou en dansant dans un groupe ; ou en étant dehors dans la nature ; ou par l’adoration Eucharistique ; ou en contemplant des icônes ou des statues ; ou en lisant seul la Bible ; ou en travaillant parmi les pauvres ; ou à travers un partage intime avec quelqu’un ; ou en faisant partie d’un grand rassemblement/ralliement ; ou en portant des vêtements ou des objets particuliers ; ou en vivant en communauté ; ou en écoutant de la musique ; ou en évoquant un saint particulier ; ou en jouant avec des enfants ; ou en prenant un repas avec d’autres ; … Nous pouvons continuer avec des exemples innombrables !

Naturellement, chaque personne peut découvrir Dieu dans un certain nombre de ces interventions ou contextes. Cependant, nous sommes normalement attirés par un chemin ou un groupe qui se concentre sur une ou deux ou quelques unes de ces médiations en particulier.

Chacun de ces contextes ou médiations constitue une “spiritualité” particulière: une manière de s’éveiller et de rencontrer l’Esprit de Dieu, qui est déjà en chacun de nous, de sorte qu’il nourrisse notre foi et la manière dont nous vivons. Ces médiations nous aident à découvrir un sens au sens, et à enflammer nos cœurs. Ainsi, chaque personne, mouvement ou congrégation religieuse a un charisme et une spiritualité particuliers (identifiable par des points de référence tels que des actions, des gestes, des symboles particuliers, et des focalisations prioritaires) qui définissent leur manière particulière d’essayer de rencontrer Dieu.

Tandis qu’une forme particulière peut permettre à des personnes différentes d’avoir une expérience “spirituelle” semblable (dans le sens d’une expérience “émotionnelle” ou “motivante”), cela n’entraîne pas nécessairement les mêmes résultats (façons de vivre). Dans ce sens, la forme de la spiritualité peut être neutre (bien que certaines formes puissent être plus favorables pour produire le résultat désiré). Par conséquent, afin de compléter la définition de la spiritualité, nous devons identifier le contenu qu’elle renferme. C’est le message ou la manière de vivre dont nous croyons que l’Esprit Saint nous invite à transmettre, ce qui dépend de la façon dont nous interprétons l’Evangile. Le contenu est aussi l’ensemble des critères que nous adoptons pour évaluer si nous vivons selon l’Esprit vrai de Jésus. Tandis que beaucoup de spiritualités s’accomplissent en réveillant l’Esprit Saint qui se trouve en nous, il y a souvent des spiritualités qui sont en contradiction avec lui. Ainsi, certaines pourraient encourager l’implication profonde dans le monde, alors que d’autres encouragent la fuite hors du monde ; ou certaines pourraient promouvoir la communauté tandis que d’autres favorisent l’individualisme ; ou certaines pourraient favoriser un esprit humble de dialogue avec ceux qui sont différents tandis que d’autres favorisent un absolutisme de leur propre vérité ; ou Dieu peut être considéré comme un ami compatissant par certains et comme un juge moralisant et sévère par d’autres.

Chacun de nous est continuellement interpellé pour discerner si c’est vraiment l’Esprit Saint que notre propre spiritualité réveille en nous ou si c’est un autre esprit.

Quelle est alors la forme (les points de référence, les contextes ou les médiations particuliers) utilisée dans la JECI, qui nous permet de rencontrer Dieu ? Et quel est le contenu (les critères pour vivre selon l’Esprit) que le mouvement promeut ? Nous pouvons maintenant essayer de définir la spiritualité de la JECI.

3. Les Racines de la Spiritualité de la JECI : Les Trois Vérités

Les racines de la spiritualité de la JECI se situent dans les « Trois Vérités internes à la vie de chaque Chrétien » énoncées dans les années 1920 par Joseph Cardijn (plus tard Cardinal), le fondateur de la Jeunesse Ouvrière Chrétienne (JOC). Cardijn identifia trois vérités – de Vie, de Foi, et de Méthode – comme dimensions fondamentales qui doivent être reconnues si les Chrétiens communiquent sincèrement la bonne nouvelle à n’importe quelle couche de la population. Dans le diagramme ci- dessous nous montrerons l’interconnexion entre elles.

La vérité de vie (de réalité ou d’ expérience ) nous révèle que l’expérience de la vie pour la plupart des gens, même en comprenant beaucoup de joies, est néanmoins en grande partie une réalité de lutte, de douleur, d’oppression, d’injustice, de conflit, de cupidité, d’exclusion, et d’égoïsme.

La vérité de foi, d’autre part, nous assure que nous sommes tous créés à l’image de Dieu. Par conséquent, en tant qu’enfants de Dieu, nous croyons que tous les peuples sont appelés à être des ‘co-créateurs’ de la construction d’un monde voulu par Dieu : un monde d’amour, de joie, de liberté, de justice, de paix, de partage, de solidarité, et de service, le Règne ou le Royaume de Dieu. C’est un monde que, dans notre être le plus profond, nous désirons tous vraiment. La vérité de vie est ainsi souvent vécue comme une contradiction totale de cette vérité de foi.

La vérité de méthode (ou de movement ou d’action ) souligne donc la nécessité de trouver une méthode et de construire un mouvement pour supprimer cette contradiction, afin de changer l’expérience de la vie, d’une vie de souffrance et d’injustice pour une vie d’amour et de justice, et par conséquent de réunir la foi et la vie. Suivant la tradition des prophètes, Jésus commença ce mouvement, l’Eglise (dont la JECI est une partie intégrante), qui doit être continuellement rappelée à sa tâche de « dénoncer » le mal et d’ « annoncer » la Bonne Nouvelle. Et chaque Chrétien est appelé personnellement à être un protagoniste permettant à ce mouvement de réussir sa mission.

Avec ces hypothèses sur le sens (le contenu) de l’Evangile, Cardijn a développé la méthode Voir Juger Agir, comme sa réponse à la recherche d’une méthode efficace (la forme) d’évangélisation, c’est à dire en vue d’apporter la Bonne Nouvelle au monde en réduisant la contradiction entre la vie et la foi. Ce processus, insista-t-il, doit toujours commencer à partir de la vie, pour voir une expérience ou une question concrète, qui est toujours une histoire réelle et vraie, et pour l’analyser afin de comprendre son contexte et ses causes. La deuxième étape est alors de juger le problème ou la question en le confrontant avec l’expérience de la foi, en recherchant les sentiments que Dieu aurait dans cette situation. La troisième étape, pour finir, est d’établir des plans concrets pour agir, à la lumière de la réflexion antérieure, afin de répondre à la question

Ce processus, continuellement centré sur la réalité, l’Evangile, et l’action, est ce qui constitue la spiritualité propre de la JECI, ce que nous appelons la “Révision de Vie”. C’est en prenant sérieusement chacun de ces points de focalisation dans un processus continu de réflexion et d’action que nous croyons, que nous pouvons le plus profondément rencontrer Dieu, découvrir la Vérité, et devenir de cette façon les instruments de Dieu en permettant au Règne de Dieu d’arriver. Ou, en d’autres termes, l’Esprit Saint est à découvrir dans une compréhension profonde de l’expérience de la vie réelle, par une réflexion critique sur l’Evangile, et par notre action réfléchie visant à transformer cette réalité.

Dans la suite de ce livret, nous examinerons chacune de ces trois vérités tour à tour, afin d’identifier la forme et le contenu spécifiques de la spiritualité qu’elles révèlent. En cours, nous identifierons des critères pour évaluer si nous vivons vraiment une spiritualité intégratrice d’action et de réflexion.

4. La Vérité de Vie

4.1 Une Spiritualité qui Intègre l’Ensemble de la Vie

A partir de la Vie

Nous commençons par la Vérité de Vie, parce que “voir” – vraiment voir – une expérience concrète de la vie est toujours le point de départ (la première forme majeure) de notre spiritualité, qui est ce pourquoi nous l’appelons la ” Révision de Vie “. Nous croyons que l’Esprit de Dieu, l’Esprit de Vie, est révélé quand nous réfléchissons profondément sur notre propre expérience de vie avec les yeux et le cœur de la foi, de la confiance, et de l’ouverture. Ce premier point concernant l’expérience de la vie dans notre tradition est ce qui nous a distingué de la plupart des autres associations chrétiennes de la jeunesse. Depuis le début, nous avons voulu permettre à l’Esprit de Jésus (l’Esprit Saint) de souffler et de respirer à travers nous, afin de changer le monde autour de nous, de faire de celui-ci un endroit où la joie, le bonheur, la justice, et la paix (le Règne ou le Royaume de Dieu) puissent prévaloir.

Les diverses réalités que nous affrontons

Ainsi, nous convenons généralement que nous devons commencer avec les pieds solidement ancrés sur le sol, en prenant l’habitude de connaître ce qui se passe autour de nous et en faisant l’analyse de notre réalité. Cependant, nous ne sommes pas toujours d’accord quant à la réalité sur laquelle nous devrions nous focaliser.

Plusieurs de nos équipes se concentrent sur des questions concernant la jeunesse, telles que les drogues, l’alcool et les relations, ou sur des questions estudiantines ou éducatives, telles que la représentation des étudiants, le stress des études et les difficultés financières, ou sur des questions sociales, telles que les enfants pauvres ou orphelins et la solitude du malade. Ce sont les centres d’intérêts classiques de notre mouvement, autour desquels il y a peu de désaccord, puisque nous voulons commencer par ce qui touche les étudiants.

Puis nous trouvons quelques équipes qui s’engagent dans une analyse politique de leurs situations locales, nationales et internationales, et d’autres qui se livrent à certaines analyses culturelles, en vue particulièrement de promouvoir le dialogue interculturel. Tout le monde ne fait pas cela, et certains estiment même qu’une analyse politique ne devrait pas être effectuée, puisque « nous ne sommes pas un mouvement politique ». Dans de tels cas, la politique est souvent associée à la corruption ou aux conflits idéologiques entre des partis, qui sont considérés comme irréconciliables avec la foi ou la spiritualité. En outre, dans certains pays, toute discussion politique est considérée comme subversive, ainsi nos équipes, par crainte, évitent souvent une telle discussion.

D’autre part, quelques équipes s’engagent dans une réflexion sur leur foi, et essayent d’analyser et de comprendre la source de ce qui les motive ou démotive. Cependant, peu d’équipes font cela, et même certaines lui résistent, la considérant comme centrée sur soi et individualiste, tandis qu’elles pensent que notre mouvement doit être centré sur l’engagement et le changement du monde.

Toutes ces expériences soulèvent la question : quelle est la réalité que nous voulons changer, et par conséquent, de quoi avons-nous besoin pour analyser et agir dans notre mouvement ?

Une Analyse Intégrée

Notre mouvement a toujours compris sa mission en termes de transformation de toute réalité, l’ensemble de la vie, qui est indivisible. Ainsi nous devons nous concentrer sur tout ce qui affecte (positivement ou négativement) nos propres vies et celles des gens avec lesquels nous vivons et travaillons. Pour faire cela, nous avons besoin de catégories, et il y a beaucoup de manières différentes de catégoriser nos vies. Cependant, nous voudrions suggérer une façon d’appréhender les nombreuses dimensions de la vie que nous expérimentons tous.

Considérez la vie de chaque personne comme un “oignon” ayant beaucoup de couches, avec chacune desquelles la personne a une relation [voir le diagramme ci-dessous]. Ces relations sont classées des plus intimes à d’autres moins personnelles, jusqu’aux plus éloignées. Pourtant toutes ces couches (relations) sont interconnectées, de sorte que la liberté et l’harmonie ou le manque de l’une ou l’autre dans chaque couche affecte les autres, directement ou indirectement.

Maintenant, examinons la nature des rapports que nous avons dans chaque couche et comment chacune est liée aux autres couches :

1. Relations avec moi-même

La première couche est moi-même, avec qui j’ai la relation la plus intime. Il y a beaucoup de choses que je sais sur moi que personne d’autre ne connaît. Et j’ai des forces, mais également des faiblesses et beaucoup de blessures que la vie et les gens m’ont infligées. Peut-être que j’aime ma façon d’être, ou peut-être que je la déteste, ou peut-être que j’hésite entre les deux. Peut-être que je m’occupe bien de moi, ou peut-être que je me néglige. Ce qui est sûr, pourtant, c’est que la manière dont je me relie à moi-même et me ressens, détermine largement ma capacité à répondre aux besoins des autres sans condition. Si je ne m’aime pas, soit je vais ignorer les besoins des autres, parce que je me sens malheureux moi-même, soit je serai attentif à eux de sorte qu’ils m’aiment d’une manière dont je ne peux pas m’aimer, et par conséquent j’espère qu’ils rempliront mon propre besoin. Dans de telles situations, j’ai souvent peur de me confronter à moi-même et de reconnaître qui ou ce que je suis, ce qui me fait devenir étranger à moi-même. Je finis par agir impulsivement avec des passions (des désirs) que j’ignore, ou dont j’ai perdu le contrôle. Si je m’aime, je peux être beaucoup plus libre et joyeux en répondant inconditionnellement aux besoins des autres (Luc 10,27). Pour beaucoup de gens, la plus grande lutte dans la vie est de découvrir comment s’aimer, comment être bon avec soi-même en vérité. Il est donc essentiel que nous nous concentrions sur cette couche en nous donnant le temps et l’espace nécessaires pour arriver à connaître nos vrais moi, en identifiant et en reconnaissant nos sentiments, et en essayant d’accepter qui nous sommes vraiment.

2. Relations intimes

La deuxième couche se compose des gens avec qui je partage ma vie quotidienne et mes sentiments – ma famille, mon amoureux (se), mes amis proches – mes relations intimes. Ceux- ci peuvent m’apporter la plus grande joie, s’il y a amour et acceptation mutuels. Ils peuvent aussi me mener au désespoir le plus profond, si je me sens rejeté, ou si la réciprocité et la confiance sont absentes. La plupart des gens dépensent la plus grande partie de leur énergie à chercher, développer et maintenir de telles relations, auxquelles se rattachent normalement les préoccupations et les confusions sexuelles. C’est donc souvent le domaine d’une plus grande vulnérabilité que la plupart des gens ont du mal à affronter, ce d’autant plus que, dans la plupart des cultures, il est tabou de parler ouvertement des questions sexuelles. C’est également ma famille qui détermine en grande partie mes valeurs et comportement culturels, et qui influencent donc les attitudes et les préjugés avec lesquels j’ai grandi. Ceux-ci affectent ma capacité à m’ouvrir et à me relier aux personnes d’autres cultures. Puisque ce domaine de nos relations interpersonnelles est celui qui préoccupe (et normalement inquiète) les gens, la plupart du temps, aucune analyse ne peut être complète sans en tenir compte.

3. Relation avec l’Eglise

La troisième couche se compose des personnes avec lesquelles je partage ma foi, la force conductrice fondamentale de ma vie (même si la compréhension de cette foi connaît des variations extrêmes). Nous sommes ensemble dans cette institution appelée l’Eglise, pleine d’amour, dans laquelle bon nombre d’entre nous ont trouvé, et continuent à trouver de la vie et du sens. Mais l’Eglise est également pleine de nombreuses contradictions, de sorte que beaucoup d’étudiants qui ont développé une conscience critique se débattent pour se sentir en elle comme chez eux. Bien que je croie que Jésus Christ nous offre la plénitude de la vie, les pratiques et les enseignements de l’Eglise apparaissent souvent comme des obstacles à cette réalisation, provoquant une relation d’amour/haine. Face à cela, beaucoup d’étudiants choisissent de quitter l’Eglise, et d’autres choisissent de l’ignorer. Cependant, dans notre mouvement, nous choisissons de nous y engager, puisqu’elle a donné naissance à notre foi et à notre culture, en quelque sorte, et la nourrit toujours (même indirectement). Elle continue également à avoir un impact profond sur la vie de millions de personnes à travers le monde, et nous (qui sommes l’Eglise) désirons que tout le monde découvre la plénitude de la vie que Jésus offre. Une réflexion continuelle sur l’Eglise est donc indispensable.

4. Relation avec ma Communauté Laïque (Ecole, Travail, Voisinage, Village)

La couche suivante se compose des personnes avec lesquelles je partage mes activités quotidiennes. Bien que je sois susceptible d’avoir des amis parmi elles, mes relations avec la majeure partie des personnes de ces communautés élargies seront beaucoup plus, voire totalement, impersonnelles. Néanmoins, ce qui s’y passe ou y est décidé m’affecte intimement, que ce soit les règles de l’association, la culture de la communauté, l’honnêteté des gens, ou la qualité des leaders. Je ne peux pas me retirer de ce monde, et donc, si je veux une vie de justice et de paix pour moi-même et les autres dans cette communauté, je dois me focaliser sur elle, l’analyser, et m’y engager.

5. Rapport avec ma Ville ou mon Pays

La prochaine couche se compose de ces gens que je peux ne jamais voir ou connaître, mais avec lesquels je suis en rapport (dans ma ville ou mon pays) par le partage d’un bout de terre commun et d’un gouvernement commun qui édicte les lois s’appliquant également à nous tous. Que ce soit une loi pour conduire sur le côté droit de la route, une décision d’augmenter les impôts, un rejet de l’appel d’une communauté pour qu’une nouvelle école soit construite, ou une interdiction de la pratique d’une religion, nous en supportons tous les conséquences, même s’ils affectent chacun de nous différemment. La plus grande part de la douleur dans le monde se situe à ce niveau soi-disant ‘politique’.

En fait, quand nous parlons de ‘politique’ nous nous référons ‘à une manière d’organiser le pouvoir’, qui est applicable à chaque niveau de notre “oignon”. Cependant nous pouvons avoir une manière juste ou discriminatoire d’organiser le pouvoir (justice ou injustice politique) même dans une relation individuelle, dans une famille, dans l’Eglise, dans une école ou un lieu de travail, n’importe où. Néanmoins, quand la plupart des gens parlent de ‘politique’, ils se réfèrent habituellement aux gouvernements des villes ou des pays.

La plupart d’entre nous se sentent très petits quand on fait mention de ce niveau politique, et nous sommes facilement enclins à en laisser le soin à d’autres, qui sont ‘intéressés par la politique’, particulièrement si l’engagement à ce niveau contient un danger quelconque. Cependant, même si je ne fais rien, je subis toujours un effet, puisque je renforce le statu quo. Ainsi, s’il m’importe de soulager la souffrance dans le monde et d’apporter la paix, je dois m’engager à ce niveau. Ceci ne signifie pas nécessairement de s’impliquer dans des partis politiques. Il y a de nombreux organismes (l’Eglise compris) dans la société civile, qui sont engagés dans une perspective politique.

6. Relation avec le Monde ou l’Univers

La couche suivante se compose des gens dont je peux ne jamais connaître quoi que ce soit, qui vivent aussi loin que l’autre bout du monde. Néanmoins, des décisions qui sont prises très loin de mon pays m’affectent au jour le jour. Une décision prise par une ou deux personnes dans une grande société à New York peut provoquer l’effondrement de la valeur d’une devise dans un pays lointain en une fraction de seconde, et de ce fait appauvrir sa population entière. Ou bien la pollution permise à des personnes partout dans le monde affecte l’équilibre écologique, causant des changements climatiques, et affectant la production agricole n’importe où de façon aléatoire. Et, avec la technologie moderne, la communication instantanée est possible partout, entraînant la dilution de chaque culture dans les cultures propagées par Internet et autres formes de mass media. Le monde est aujourd’hui un petit village. Par conséquent, si je suis préoccupé par mon futur, celui de ceux que j’aime et du monde entier, je n’ai pas d’autre possibilité que celle d’avancer dans une conscience globale et de m’engager à ce niveau. Je dois même devenir plus attentif à la manière dont notre vaste univers mystérieux (dans lequel notre propre monde est juste un point minuscule) évolue de façons qui sont au delà de notre contrôle et qui peuvent avoir des effets sur nous au niveau écologique.

7. Relation avec Dieu

La réalité finale à laquelle nous devons faire face dans nos vies (que nous ne pouvons pas limiter à une seule strate) est notre relation avec Dieu. Que nous croyons en Dieu ou pas, nous luttons tous, à un certain moment ou un autre, avec la source et le sens de nos vies et sa ‘dimension spirituelle’ qui n’est pas visible ou tangible. Parce qu’elle n’est pas scientifiquement tangible (et donc incapable d’être située dans une couche particulière), beaucoup de gens dans le monde l’excluent du domaine de la réflexion. Cependant, dans notre mouvement, c’est également un espace essentiel de concentration, car c’est une préoccupation qui nous concerne beaucoup, ainsi que la plupart des gens, et que nous ne pouvons pas écarter !

Nous pouvons dire que, pour nous, Dieu, qui a créé toutes choses avec harmonie, est au coeur de tout. Dieu est en moi et aussi au coeur de chacune de ces couches, les observant dans la perspective du pauvre, du marginalisé, et de ceux qui souffrent, désirant ardemment que l’Esprit Saint se manifeste à chaque niveau, et essayant de montrer l’interconnectabilité de chaque niveau. Par exemple, je peux juste aborder le problème de la violence domestique dans ma communauté (couche 2) ; je peux voir son lien au chômage (couche 5 et 6) et à la perte résultante de l’estime de soi des hommes (couche 1) qui provoquent des réactions agressives ; ou je peux voir son lien avec les valeurs patriarcales dans lesquelles toute personne (homme ou femme) est éduquée (couche 2, 3 et 4) dans la plupart des sociétés aujourd’hui. Je me relie intimement à Dieu quand je peux sentir l’inquiétude et la joie de Dieu à chaque niveau de mon existence, du profondément personnel au largement global.

Je ne peux pas aimer Dieu en lui-même. J’aime Dieu en acceptant l’amour de Dieu pour moi, ce qui veut dire : croire que je suis acceptable ou aimable (couche 1). Cela me remplit, par conséquent, de confiance et de compassion, et me rend capable d’empathie et d’amour envers les autres de façon moins conditionnelle (1 Jean 4,10-12). Je me relie donc intimement à Dieu quand je peux éprouver la compassion de Dieu pour ceux qui sont en souffrance à chaque niveau. Je me relie intimement à Dieu quand je permets à l’Esprit de Dieu de m’utiliser pour apporter la vie, la liberté et l’intégrité (Luc 4,18) à chaque niveau de l’humanité qui nous a été donnée. Ainsi une dimension centrale de la spiritualité de la JECI est notre conscience de Dieu, qui nous pousse à examiner tous les aspects (couches) de la réalité (l’ensemble de la vie), et à chercher l’intégration et l’harmonie parmi eux. Mais pour réaliser cette intégration, chacun de nous doit régulièrement se focaliser sur ses expériences et compréhensions personnelles de Dieu, pour voir comment celles-ci se relient à nos relations avec toutes les autres couches de nos vies.

4.2 Une spiritualité pour “Voir de façon Concrète, Critique, et Profonde”

Après avoir identifié dans quelles réalités nous découvrons Dieu (la première forme de la partie ‘Vie’ de notre spiritualité), tournons-nous maintenant vers la façon dont nous pouvons découvrir Dieu en elles (la qualité nécessaire ou la deuxième forme de cette recherche). Quelles approches sont centrales dans notre spiritualité?

Premièrement, notre spiritualité consiste à voir concrètement. Nous devons toujours commencer par une expérience concrète que moi ou quelqu’un que je connais a faite dans une réalité quelconque, et au sujet de laquelle nous pouvons raconter l’histoire de ce qui s’est réellement produit. C’est essentiel si nous voulons vraiment être ouverts

à ce que Dieu révèle dans cette réalité. Nous ne commençons pas par faire des observations ou des rapports généraux au sujet d’une réalité quelconque, puisque ceux-ci impliquent que nous ayons déjà produit une interprétation ou un jugement au sujet de cette réalité sans identifier les faits. Comme nous abordons tous chaque situation avec des suppositions et des préjugés, une telle interprétation automatique peut facilement être loin de la vraie vérité. Chaque histoire a sa propre spécificité, et c’est seulement après avoir connu tous les faits qu’il est possible de commencer à voir

de vraies connexions avec d’autres réalités passées ou présentes, et de poser des jugements plausibles. Jésus montre bien cela quand il refuse de juger ou condamner rapidement la femme prise dans l’acte d’adultère avant de prendre en considération tous les faits (Jean 8,3-11).

Deuxièmement, notre spiritualité consiste à voir de façon critique. Ceci signifie que nous ne devrions jamais accepter ou interpréter des choses simplement selon leur apparence. Nous devrions toujours regarder au-delà ce qui est dit, fait ou rapporté – par nos amis ou par nos ennemis – avant de poser un jugement. Nous ne cessons pas de demander “Pourquoi?” afin de découvrir la cause fondamentale ou la question sous-jacente. Sans cela, nous pouvons mettre beaucoup d’énergie dans l’action sur la base d’analyses inexactes, de demi vérités et même de mensonges, qui ne peuvent être que des obstacles pour le progrès humain. Jésus a bien démontré sa compréhension des causes fondamentales quand il osa violer les lois du Sabbat (Marc 2,23-28), et quand il chassa les changeurs hors du Temple (Mathieu 21,12-13).

Pourtant, être critique est très difficile dans le monde d’aujourd’hui, où de plus en plus de personnes s’accrochent aux “absolus” qu’elles ne veulent pas du tout remettre en question ! Pour beaucoup de ces gens, être “critique” signifie être négatif ou pessimiste, et c’est donc une attitude à éviter ! Bien que, dans notre mouvement, être critique soit une valeur très estimée, nous devons faire attention à ce que notre approche critique ne soit pas, en fait, négative ou pessimiste, mais plutôt positive et constructive. C’est seulement de cette façon que notre approche critique évitera d’être destructive, et contribuera vraiment à bâtir le monde.

Troisièmement (et de façon très étroitement lié au point précédent), notre spiritualité consiste à voir profondément, à rencontrer Dieu dans les profondeurs de toute la Création. Plus nous voyons profondément, plus près nous sommes de Dieu. Ainsi, pour comprendre nos expériences quotidiennes concrètes, nous commençons habituellement par analyser le contexte social immédiat dans lequel nous nous trouvons (notre famille, notre école, notre paroisse, notre voisinage). Cependant, pour que nous puissions voir les racines de tout ce que nous découvrons là,

et par conséquent pour voir la Création dans sa plénitude, nous devons comprendre son évolution historique (comment elle est survenue) et nous engager dans une plus large analyse sociale, politique et économique, pour comprendre les forces qui conduisent et déterminent la puissance et la richesse dans le monde. Mais ce n’est pas assez non plus ! Nous devons également nous engager dans une analyse culturelle, écologique et psychologique, pour comprendre les forces puissantes qui motivent les gens, et qui engendrent les valeurs qui nous font agir. Ainsi Jésus a aidé ses apôtres à comprendre les pressions sociales qui ont fait rechercher à Jacques et Jean un traitement privilégié (Marc 10,35-45).

Quand nous nous rendons compte de nos propres suppositions culturelles (les comportements et les valeurs que nous considérons comme allant de soi) et de nos propres blessures (qui nous laisse souvent nous sentir excessivement dans le besoin ou réagir de façon inappropriée), nous pouvons alors être en position plus forte pour nous ouvrir à la vérité des autres, et pour répondre inconditionnellement à la souffrance éprouvée par des milliards de personnes dans le monde. Ainsi, une analyse plus holistique, qui pénètre toutes les couches de notre “oignon”, permettra à l’Esprit de Dieu d’être révélé plus pleinement en chacun de nous, et nous permettra de devenir véritablement des bâtisseurs de vie.

Nous croyons ainsi que Dieu est à découvrir plus profondément, en nous approchant de notre réalité avec les qualités d’un plus grand sens du concret, d’une attitude critique constructive, et d’une analyse profonde, historique et holistique.

5. La Vérité de Foi

5.1 Une Spiritualité pour Juger la Réalité et nos propres Valeurs avec les yeux de Jésus Christ

Après avoir identifié et compris une réalité de la vie réelle, la deuxième forme principale de la spiritualité de la JECI est de prendre du recul et de regarder la question avec les yeux de la foi, qui, pour nous, sont les yeux de Jésus Christ. Premièrement, nous voulons saisir comment Jésus peut être amené à être présent (incarné) dans cette situation, et donc juger comment la situation se conforme à Sa voie. En second lieu, nous voulons comprendre comment cette situation et la réponse de Jésus à celle-ci défient nos propres valeurs et priorités.

Ainsi, ce moment où il s’agit de juger est censé être un moment de conversion profonde dans le processus de la Révision de Vie. Pourtant, malheureusement, plusieurs de nos équipes trouvent très difficile “de juger” ! Ce qui a besoin d’être fait pour “voir” et “agir” est normalement très clair. Nous pouvons décrire une question ou un problème, l’analyser, et décider ce que nous pouvons faire pour y répondre ou pour en changer. Ou bien, nous pouvons décrire une action, évaluer son efficacité, et projeter une autre action pour améliorer la situation. Cependant, une fois que nous avons fini “de voir” le problème ou l’action, et atteint le moment où nous sommes censés “juger”, nous lisons parfois un texte biblique et en discutons brièvement, ou le plus souvent nous effleurons juste la question, et passons directement à la planification d’une action. “Juger” est souvent considéré comme un élément non indispensable du processus, quelque chose qu’il serait bien de faire si nous avions le temps (que nous n’avons jamais, naturellement !). Nous sommes donc mis au défi de repenser à l’utilité réelle de ce moment dans nos vies ou nos réunions. Comment le moment de “juger” peut-il nous permettre de rencontrer Dieu plus profondément ?

La difficulté à définir des critères

Le premier point que nous devons apprécier est que chaque décision prise pour agir présuppose un jugement conscient ou inconscient préalable sur ce qui a besoin d’être fait pour rendre la situation meilleure. “Juger” est essentiellement un moment où on s’assure que nos décisions ne sont pas basées sur les suppositions inconscientes que nous avons toujours eues, mais plutôt sur une minutieuse réflexion et évaluation profondes et critiques de la réalité, de la question ou du problème que nous avons identifiés. Et pour faire toute évaluation nous avons toujours besoin de choisir des critères.

Comme mouvement chrétien, notre critère principal est la personne de Jésus (sa vie, ses paroles, ses actions, et son esprit), dont la connaissance, provenant des apôtres, nous a transmise notre Tradition à travers l’Ecriture Sainte. Nous utilisons donc normalement le prisme de l’Ecriture Sainte (l’Evangile) “pour juger”. Mais il n’est pas suffisant de regarder seulement l’Ecriture Sainte, et ce pour différentes raisons :

1. Il y a beaucoup d’interprétations différentes du même texte, même parmi les théologiens érudits. C’est parce que chaque personne et chaque groupe abordent toujours un texte avec ses propres suppositions inconscientes (expériences, attitudes et préjugés de vie), avec sa propre idéologie (système d’idées) et avec sa propre théologie (système d’idées au sujet de Dieu), dont aucune n’est neutre. Ainsi, les ennemis emploient souvent la même Bible pour justifier les actions qu’ils mènent les uns contre les autres.

2. L’Evangile n’a pas quelque chose de direct à dire sur chaque situation et contexte auxquels nous sommes confrontés, puisque le monde a changé énormément, et beaucoup de nouvelles questions et situations ont surgi, que les gens du temps de Jésus ne pourraient même pas avoir envisagées.

3. Nous pouvons être tentés de rechercher des textes bibliques qui utilisent les mêmes mots que nous, afin de justifier l’à-propos d’un jugement ou d’une action que nous avons déjà décidés – ce qui n’ajouterait rien de nouveau à notre “jugement”. Ou bien nous pouvons également être tentés d’appliquer un texte directement à notre situation sans tenir compte de son sens dans son contexte ou moment particulier, qui peut être très différent du nôtre. Ces deux applications utiliseraient la Bible comme un livre de recettes – un document figé – qui a été écrit juste pour moi aujourd’hui. Pour nous, à la JECI, cette approche fondamentaliste réduit la richesse de la Bible qui est en réalité un document historique vivant, qui raconte les expériences et luttes avec Dieu que nos ancêtres dans la foi ont eu tout au long des âges. C’est donc la source de notre foi dont nous devons identifier et relire de façon responsable la lumière dans notre propre époque et notre contexte.

À la lumière de cette réalité, l’Eglise, à travers les âges, dans les enseignements de ses pasteurs et dans les oeuvres des théologiens, a continuellement cherché à identifier à nouveau l’esprit de Jésus (l’Esprit Saint) dans les questions majeures qu’affrontent les gens dans leurs vies. Il en est résulté un riche réservoir de textes faisant autorité et venant des Conciles de l’Eglise, des papes, et des évêques (notre “Tradition” ou Enseignements de l’Eglise), qui montrent comment l’Eglise évolue constamment dans son appréciation de la vérité de l’Evangile, et donc change et se renouvelle toujours elle-même. Nous avons par conséquent besoin également de nous référer à cette Tradition évolutive et l’utiliser comme prisme essentiel (critère) pour juger des situations.

Parfois, ces autorités de l’Eglise émettent des interprétations définitives sur des questions controversées pour donner une direction et empêcher le chaos. Cela nous oblige à prendre de tels enseignements très sérieusement et positivement, et à essayer de rattacher les critères qu’ils identifient à notre propre expérience de la vie. Nous reconnaissons, néanmoins, qu’il y a toujours des débats qui émergent des nouvelles expériences de nos contextes humains multiples, très différents et évolutifs, qui défient les formulations actuelles de la vérité, et qui réclament des réflexions théologiques nouvelles. Cela est compliqué par le fait que, presque à partir du début, des compréhensions ou des images différentes de la nature et de la fonction de l’Eglise ont existé, en survenant à différentes périodes et conditions historiques. Plusieurs de ces diverses images sont encore manifestes et co-existent aujourd’hui, chacune avec une théologie et une spiritualité distinctes qui sont fréquemment en conflit avec celles d’autres images.

Ainsi, par exemple, au sujet des relations internes à l’Eglise, dans certaines sociétés l’Eglise est acceptée comme une structure hiérarchique, presque exclusivement menée par le clergé, avec des laïcs jouant peu ou pas de rôle dans la prise de décision. Tandis que, dans d’autres sociétés, être l’Eglise exige une focalisation majeure pour bâtir des communautés et des formes de ministère et de leadership où les laïcs peuvent participer entièrement et librement en partageant leur foi et même dans la prise de décision. Dans de tels contextes, le rôle des autorités de l’Eglise (hiérarchie) est principalement d’unifier et d’inspirer : d’être le levain dans la communauté et d’animer la prise de décision collégiale.

Ou bien, quant au rapport de l’Eglise avec différentes compréhensions externes de la ‘Vérité’, dans certaines sociétés, en particulier celles qui sont culturellement homogènes, ou bien là où l’Eglise se sent attaquée, l’altérité ou la différence est souvent considérée comme une menace pour l’unité de la société ou la survie de l’Eglise. La ‘Tradition’ est alors souvent comprise comme quelque chose d’immuable, et les forces laïques sont envisagées comme les ennemis du bien. Dans de tels contextes, il est facile pour l’Eglise de considérer son rôle comme le gardien strict de l’orthodoxie et de la discipline ce qui exigerait une autorité centralisée pour maintenir l’uniformité et l’ordre.

Dans d’autres sociétés, en particulier celles où la diversité, le pluralisme, et la laïcité sont devenues des réalités acceptées, les autorités de l’Eglise confirment souvent le pluralisme et la différence, et encouragent l’inculturation et la créativité afin d’embrasser ces développements. Le dialogue ouvert avec d’autres églises et religions est également encouragé sans crainte, et plutôt que de fournir des réponses définitives aux questions morales difficiles, les autorités de l’Eglise aident les gens à développer une conscience avisée pour y faire face.

Ainsi, au milieu de ces contextes humains et ces compréhensions de l’Eglise différents et évolutifs, lorsque de nouvelles expériences émergent qui défient les formulations actuelles de la vérité, il en est de la responsabilité des Chrétiens de les partager avec les autorités de l’Eglise et de les aider à développer de nouvelles formulations qui prennent en compte ces réalités. Cela aide à approfondir et enrichir le critère de la Tradition que nous utilisons pour façonner nos jugements.

L’impossibilité d’avoir des jugements absolument “vrais”

Ces différents contextes humains, images et compréhensions de l’Eglise révèlent la difficulté que nous aurons toujours à identifier des critères absolus pour nous former des jugements à partir de l’Ecriture Sainte et de la Tradition, puisque ceux qui interprètent des textes sont toujours influencés par leur expérience subjective. Nous ne pouvons donc jamais être absolument sûrs que nos jugements sont vrais, puisqu’il n’y a aucun jugement qui soit idéologiquement neutre.

Malheureusement, dans notre monde actuel, qui change rapidement, qui engendre tellement d’insécurité, de peur, et de relativisme (où la propre expérience personnelle devient le seul critère de jugement), de plus en plus de personnes recherchent des normes et des principes clairs et absolus pour s’y accrocher, et ne peuvent donc pas accepter une telle “incertitude”. Il est ainsi très tentant pour les fidèles de chercher des interprétations aux textes en réclamant une vérité absolue et pour les chefs de les fournir (certitude fondamentaliste), alors même que la plupart de ces réclamations d’absolu sont illusoires. Tandis que de tels absolus peuvent avoir un effet très réconfortant à court terme, plus tard ils auront de lourds effets sur les membres du groupe, ou des effets agressifs sur les personnes extérieures au groupe. Comme l’a dit le pape Benoît XVI lors de la Veille de la Journée Mondiale de la Jeunesse (JMJ) à Cologne en 2005, ” Rendre absolu ce qui n’est pas absolu mais relatif s’appelle le totalitarisme”. Ainsi, alors que je peux avoir une conviction sur la vérité, je ne peux jamais prétendre posséder la Vérité.

Cependant, cette difficulté à établir si nous sommes ou non sur un chemin “vrai” n’est pas une raison de désespérer. Une fois que j’ai pu reconnaître cette difficulté, la possibilité pour moi de devenir plus ouvert aux autres et à leurs opinions (même à celles de mes ennemis), et à la Vérité Absolue (Dieu) est immédiatement plus grande, et offre l’espoir de plus de dialogue, peut-être même une plus grande unité parmi nous tous.

Critères de la JECI

Malgré cette “incertitude”, chaque personne et chaque groupe, néanmoins, doit identifier des critères pour évaluer leurs vies et leurs actions. Ainsi, les étudiants et les aumôniers de la JECI ont toujours cherché à saisir les points d’unité de leur foi : une théologie (un système d’idées sur la nature de Dieu et ses implications dans nos vies) qui soit fidèle à l’expérience des étudiants, à l’Evangile, et à la diversité acceptable offerte par la Tradition de l’Eglise.

Nos réunions internationales pendant des décennies ont, à plusieurs reprises, réaffirmé le contenu de notre spiritualité : notre croyance que Jésus nous a révélé un Dieu qui est présent au monde, et dont la priorité est de faire apparaître un royaume ou un règne en continuité avec ce monde (Marc 1,15 ; Luc 17,21 ; Mathieu 12,28 ; 25,31-46) où tous les gens, particulièrement les pauvres et les marginalisés, sont libérés (sauvés) de toutes formes d’oppression (Luc 4,18 ; 6,20-25) et de dépendance (Jean 5,1-9), et où chacun a une dignité égale (Mathieu 23,1-12) ; un monde d’amour et de justice, avec un esprit de partage (Mathieu 19,16-22) et de service (Marc 10,41-45), qui permet à l’unité, à la solidarité et à l’harmonie d’exister pour chacun. Cette foi nous motive pour aider à naître un tel monde nouveau (c’est-à-dire à évangéliser) :

– en bâtissant de petites communautés intimes et accueillantes (d’étudiants, dans notre cas). C’est l’Eglise parmi les étudiants, et ce sont des signes de ce nouveau monde, offrant un appui aux personnes dans leur recherche d’une identité claire dans notre monde qui change rapidement, où tout est relativisé. Nous faisons cela en donnant à chacun (jeunesse compris) de l’espace pour prendre de la responsabilité et pour participer véritablement (indépendamment de son statut hiérarchique) à la réflexion commune, l’action transformante et la célébration (Mathieu 23,8-12 ; Marc 10,13-15) ;

– en s’engageant (du point de vue du pauvre et du marginalisé) avec ceux qui ont le pouvoir de promouvoir ou d’empêcher que ce monde nouveau se réalise (Mathieu 21,23-46 ; Marc 12,15-18 ; Luc 19,1-10) ;

– en promouvant un esprit d’ouverture, de solidarité large et globale, d’oecuménisme et de dialogue, qui nous provoque tous à aller au delà des liens du groupe étroits et exclusifs (mon groupe ethnique, culturel ou linguistique, ou mon église ou mon mouvement), et de découvrir notre identité vraie dans une recherche permanente de la vérité (Mathieu 5,43-47 ; Marc 3,31-35 ; Luc 10,29-37) ;

– en réfléchissant fidèlement et de façon critique sur toutes les traditions dont nous héritons, laïques (pratiques culturelles, relations entre les sexes, etc..) ou religieuses (la Bible, les sacrements, les structures et les pratiques de l’église, etc.), avec une conscience avisée, afin de comprendre la vérité et la valeur qu’elles ont offertes dans les grands contextes sociaux et ecclésiaux où elles ont surgi. Cela leur permet d’être valorisées, expérimentées et inculturées d’une manière abondante et renouvelée dans le monde d’aujourd’hui (Marc 2,23-28 ; Jean 4,5-9,27), de sorte que le but de la Loi de Dieu (service, compassion, amour et miséricorde) puisse être accompli avec obéissance (Mathieu 5,18 ; 9,13 ; 12,1-8).

Notre mouvement réunit des membres qui partagent ou sont ouverts à ces vues sur la foi, et qui s’engagent dans la formation des personnes (et par conséquent des nouveaux membres) sur celles-ci. Nous reconnaissons que tout le monde dans l’Eglise ne partage pas entièrement cette théologie, même si nous pourrions tous proclamer le même credo (profession de foi) qui nous unifie. Nous respectons une telle différence, et restons toujours ouverts à la discussion avec les autres sur nos points de désaccord dans l’intérêt de la vérité. C’est ce qui nous rend catholique : reconnaissant que, dans notre diversité, ceux ayant des vues différentes (voire même diamétralement opposées) des nôtres, s’orientent peut-être vers une vérité que nous n’avons pas encore vue !

Nous pouvons affirmer ainsi que la théologie ci-dessus – qui est enracinée dans une réflexion et une action critiques pour un monde meilleur : le Règne de Dieu – correspond, jusqu’ici, à la vérité de notre réflexion sur la foi et de notre expérience. Elle définit donc nos critères pour forger nos jugements sur la réalité et sur nos propres valeurs avec les yeux de Jésus Christ. Elle constitue le contenu de notre spiritualité, que j’ai essayé de saisir dans la prière suivante :

Découvrir Dieu à travers l’Action et la Réflexion : Une Spiritualité de la JECI

Dieu d’Amour,

Merci pour les nombreux dons que tu m’as donnés,

même si je n’ai rien fait pour les mériter.

Donne-moi la sagesse de me voir,

de voir les autres, et de voir le monde avec tes yeux,

les yeux de Jésus, ton Fils.

Dans toutes mes rencontres,

donne-moi la compassion pour ressentir ce que ressentent les autres,

particulièrement ceux qui sont pauvres ou en souffrance.

Donne-moi la force et le courage de l’Esprit Saint pour changer ce qui n’est pas dans ton projet d’amour, de justice, de miséricorde et de paix.

Et donne-moi la foi pour reconnaître

que tous mes succès et échecs viennent de toi,

et qu’ils ne m’apportent ni gloire ni honte.

Amen.

5.2 Une spiritualité de Recherche Permanente de la Vérité

Après avoir identifié la théologie sous-jacente à notre spiritualité (son contenu ou message), nous devons maintenant nous demander : comment pouvons-nous nourrir une croissance continue et une fidélité dans cette manière de suivre Jésus ? Quels contextes, structures ou entremises (quelle forme) devons nous fournir pour permettre à tous nos membres de découvrir ce message, de rencontrer Jésus, et de se rapprocher ainsi de la réalité ultime de Dieu ? Comment pouvons-nous les fortifier pour persévérer avec joie dans une ouverture et une recherche permanentes de la Vérité ? Nous pouvons proposer trois grands domaines pour réaliser cela : en créant des espaces (1) pour faire la théologie ; (2) pour affronter nos suppositions et préjugés inconscients et (3) pour la célébration et la prière.

En créant des espaces pour “faire” la théologie

Premièrement, dans la tradition de notre mouvement, la structure de base est toujours le petit groupe ou la petite équipe qui utilise la méthodologie voir juger agir. Comme on l’a indiqué ci-dessus, ce qui doit être fait pour “voir” ou “agir”, est normalement clair, alors qu’il est souvent difficile de savoir comment “juger” ! Beaucoup plus d’efforts doivent donc être fait pour aider nos membres à comprendre comment utiliser plus efficacement le moment où il faut “juger” dans la réflexion d’un groupe.

Certaines des questions habituellement posées pour “juger” sont :

– Que ferait Jésus dans cette situation ? ou

– Comment les responsables de l’Eglise ont-ils compris cette question ? ou

– Qu’a à faire cette question avec notre foi ?

Si l’espace est donné, ces interrogations peuvent inspirer des réflexions très puissantes, puisqu’elles donnent l’occasion de prendre du recul par rapport à la question, et de la regarder d’un point de vue différent – avec les yeux de la foi. Faire cela est ce qu’on appelle communément “faire la théologie”.

“Juger” n’est pas simplement appliquer à notre situation ce que d’autres ont dit. Même pas ce que Jésus a dit (parce que l’Evangile ne parle pas de chaque situation à laquelle nous sommes confronté aujourd’hui) ! Même pas ce que les enseignements de l’Eglise ont dit (parce que la théologie dans l’Eglise évolue toujours) ! Nous devons plutôt engager la discussion avec l’Evangile, avec les enseignements de l’Eglise, ou les théologiens de métier, pour comprendre et assimiler ce qu’ils disent au sujet de la question dont on parle, afin de développer notre propre réflexion sur la signification de notre foi dans nos propres vies et son rapport avec la question. C’est ainsi que, lorsque nous “jugeons”, nous faisons la théologie. C’est ce qui peut vraiment contribuer au développement de la théologie dans l’Eglise dans son ensemble, même s’il est fait par un simple étudiant sans formation théologique formelle !

Mais si nous n’appliquons pas l’Evangile à notre situation, ne sommes-nous pas en danger de créer notre propre Evangile, peut-être même notre propre hérésie? À cela la réponse doit être : “Peut-être!”. C’est toujours une possibilité, en effet. Mais ce danger nous menace aussi si nous essayons d’appliquer strictement l’Evangile à nos questions. Comment est-ce possible ? Parce que, comme nous l’avons déjà mentionné, chaque fois que nous lisons l’Evangile, notre interprétation est largement fondée sur nos propres suppositions, nos propres expériences de la vie, et nos propres attitudes et préjugés. Comment serait-il possible autrement que nous ayons tant d’interprétations différentes de chaque texte biblique par tant de théologiens érudits ? Ainsi nous revenons encore à la question de nos propres suppositions inconscientes, et sur leur caractère central dans tous les jugements que nous faisons ! Y a-t-il une manière de poser un jugement “vrai”, sans que notre propre expérience subjective s’y immisce ? Comme nous l’avons déjà mentionné, nous pouvons éviter une interprétation individualiste en partageant toutes les nouvelles réflexions avec les autorités de l’Eglise ou les théologiens qui, on espère, peuvent nous aider à situer notre réflexion dans la large tradition de l’Eglise, et à comprendre si notre expérience réclame le développement d’une nouvelle formulation théologique.

Néanmoins, afin de former un jugement théologique solide, il est essentiel de fournir une formation approfondie à tous les membres de l’équipe en Ecriture Sainte, sur les enseignements de l’Eglise, et dans la théologie de notre mouvement. Cela pourrait être fait dans des groupes d’étude de la Bible, des groupes de discussion en théologie, des réunions ou des cours de formation d’une journée, d’un week-end, d’une semaine, etc… C’est seulement avec une telle formation qu’il leur sera possible de se faire leur jugement avec une conscience avisée.

Si leur connaissance (et leur intériorisation) de la théologie du mouvement est faible, un jugement profond selon ses objectifs ne sera pas possible, puisque ce jugement pourrait être fondé sur des critères différents de ceux de notre mouvement. Nos membres sont alors moins susceptibles d’avoir une soif de changer le monde pour le meilleur, et notre action aura un impact réduit. Evidemment, cette formation est possible seulement si un groupe est accompagné par un aumônier ou un animateur qui est bien formé dans ces domaines.

En créant des espaces pour Affronter nos Suppositions et Préjugés Inconscients

Une deuxième structure nécessaire exigée pour se rapprocher de la Vérité est un espace pour découvrir et reconnaître les suppositions inconscientes (visées à plusieurs reprises ci-dessus) qui sont à la base de tous les jugements que nous faisons. Il est très difficile de parvenir à un jugement “objectif” sur une situation, puisque nous avons tous des sentiments, des préjugés et des suppositions que nous apportons à la situation et qui déterminent notre façon de l’observer. Alors que nous ne pouvons jamais entièrement écarter la part de “subjectivité”, du moins si nous pouvons reconnaître la présence de nos propres sentiments, préjugés et suppositions, cela peut nous aider à discerner à quel point ils sont dominants pour former le jugement. De plus, un des espaces les plus appropriés pour faire ce travail réside dans le contexte d’un petit groupe intime où existe un esprit de confiance et d’unité. Un tel partage peut alors être un moment puissant pour affronter ses propres préjugés, et par conséquent pour permettre à une conversion d’avoir lieu.

Pour réaliser un jugement plus profond nous devrions nous assurer que nous avons inclus les questions suivantes à un certain moment de notre réflexion :

– Quels sont mes sentiments (suppositions/préjugés) au sujet de cette question ?

– Quelles sont les différentes manières dont les autres personnes évaluent la question ?

– Laquelle de celles-ci est la plus proche du chemin de Jésus ? Pourquoi ?

Cela souligne une autre dimension du moment de “juger ou de réflexion” lors de nos réunions et dans nos vies. Nous ne réfléchissons pas seulement afin d’améliorer la situation, mais également pour permettre à chacun de nous et à nous tous de nous rapprocher de la Vérité (de Dieu) à travers ce processus de réflexion et d’action. Quel bien peut-on retirer d’essayer de changer une situation mauvaise ou problématique, si on l’aborde avec des attitudes et des préjugés qui pourraient seulement la rendre plus mauvaise ? Malheureusement, nous ne nous rendons pas souvent compte de nos propres préjugés, et c’est pourquoi nous avons besoin que notre petit groupe (qui peut, on l’espère, se développer en confiance) nous les révèle quand nous ne pouvons pas le faire par nous-mêmes. Nous devrions également chercher des espaces où nous pouvons nous ouvrir au dialogue avec les autres qui sont très différents de nous (les personnes d’autres religions, d’autres idéologies, d’autres théologies, etc.). Ceux-ci peuvent être particulièrement importants pour nous aider à surmonter nos préjugés.

Cependant, afin de pouvoir me confronter à mes propres sentiments, préjugés et suppositions, je dois avoir une ouverture préalable à la conversion, qui implique un esprit d’humilité. Bien qu’il soit souvent difficile à présupposer, il est néanmoins important de reconnaître que, si nous voulons que nos jugements soient plus profonds, et par conséquent que nos actions aient l’impact souhaité, une telle ouverture est indispensable.

Il est toujours difficile pour nous de développer cette ouverture car nous sommes tous aveugles, au moins partiellement, et nous avons tous beaucoup de peurs qui nous enferment et nous empêchent d’affronter une vérité qui exigera de nous que nous changions. Nous devons donc trouver des espaces où nous pouvons être libres de nous exprimer et de laisser tomber ces craintes. De tels espaces pourraient être “des retraites spirituelles”, où nous pouvons être accompagnés par le silence, des conférences spirituelles, le sacrement de réconciliation/confession, ou un espace impartial pour nous exprimer ; ou simplement des réunions régulières avec “un accompagnateur/guide spirituel” avec qui nous avons une relation ouverte et confiante.

En créant des espaces pour la célébration et la prière

Une troisième structure nécessaire pour nous permettre de rencontrer Dieu plus profondément est un espace pour célébrer notre foi et pour prier. Bon nombre d’entre nous sommes souvent tentés de rester très “rationnels” dans notre approche de la foi pendant que nous recherchons le sens de nos vies. Nous nous chargeons de tous les fardeaux du monde avec tout le sérieux possible comme si c’était notre seule responsabilité ! Il est alors facile de perdre de vue le fait que notre vie entière est un pur “cadeau”, quelque chose que nous avons reçu de façon totalement non méritée. Ou bien nous oublions que nous ne sommes pas maîtres de tout. C’est pourquoi nous avons besoin d’espaces dans lesquels nous pouvons nous mettre en perspective, où nous pouvons simplement “être”, sans devoir “être pour” quelque chose ; des espaces dans lesquels je peux devenir nu et rejoindre mon vrai moi ; des espaces dans lesquels tous mes espoirs, peurs et désirs les plus profonds peuvent être exprimés ; des espaces de silence, de solitude et de réflexion.

Bon nombre d’entre nous ont le privilège d’avoir des relations ou des gens autour de nous avec lesquels nous pouvons être simplement nous-mêmes, mais nous avons normalement une part de réserve – même vis-à-vis de ceux avec lesquels nous sommes les plus proches – parce qu’il est très difficile pour chaque personne d’exprimer une acceptation absolue et un amour inconditionnel pour un autre. Il est impossible de suspendre absolument l’ensemble de nos propres besoins, peurs, et préjugés pour le bien de l’autre (même si beaucoup de “saints” réalisent cela à un degré élevé !). Cependant, nous avons tous besoin de sentir une telle acceptation et amour absolus afin que nous puissions avoir l’estime de soi (penser que sommes assez bons) et par conséquent ressentir au delà de nous-mêmes et avoir la capacité d’aimer les autres. Et le Seul qui peut nous offrir cela est Dieu, qui est l’Amour Inconditionnel.

La prière est un moment où je m’ouvre à cet Amour Inconditionnel, à Dieu ; quand j’exprime mes espoirs, peurs et désirs les plus profonds ; quand j’essaye d’accepter que je suis assez aimable pour que Dieu m’accepte et m’aime complètement. C’est le moment de mettre mes doutes de côté et de permettre à Dieu de m’aimer (quelque chose auquel nous résistons tous à un degré ou un autre, parce que nous ne pensons pas que nous en sommes dignes !). C’est également le moment de rappeler que Dieu aime TOUTES les personnes de la même façon, ce qui les rend toutes dignes (même mes ennemis) de mon amour et de ma solidarité. La prière devient alors le moment de penser de manière solidaire à ceux qui ont besoin d’être rappelés à l’amour de Dieu à ce moment-là – particulièrement ceux qui souffrent et sont tourmentés. Tous ensemble, ils me permettent d’être en permanence ouvert à la conversion.

Pour nos équipes de la JEC, l’espace essentiel pour créer de tels moments de prière est, à nouveau, notre petit groupe ou équipe, où existe, on l’espère, un esprit de confiance et d’unité, et où une conscience des uns et des autres et du monde dans son ensemble est toujours présente. Tous les autres espaces mentionnés ci-dessus (sessions de formation, groupes d’étude, retraites, etc…) sont également des espaces importants pour la prière. Naturellement, un des espaces les plus importants est celui que notre Tradition nous a transmis – l’Eucharistie – dans laquelle nous nous joignons régulièrement à l’Eglise universelle toute entière pour nous souvenir de Jésus, qui nous révèle la source de cet amour et de cette acceptation universels et absolus.

Un élément essentiel à toute prière est qu’elle nous permet de développer un esprit de célébration. Quand nous sommes continuellement centrés sur l’analyse et l’action, il est très facile de rester trop sérieux, et de perdre de vue le côté plus léger et joyeux de la vie. Peu de gens peuvent supporter un tel sérieux très longtemps, et n’importe quel groupe qui demeure ainsi ne sera pas très attrayant pour de nouvelles personnes (particulièrement les jeunes) ! Un moment de prière nous permet de nous rappeler la valeur de la vie qui nous a été donnée (même au milieu de la souffrance), de dire merci pour elle, et de célébrer et ressentir ainsi la joie qui apparaît quand on reçoit un cadeau.

6. La Vérité de Méthode

6.1 Une Spiritualité de Transformation

Après avoir jugé une réalité de la vie avec les yeux de la foi, et après avoir identifié une contradiction, qui pourrait exister entre cette réalité et la vision de Jésus du Règne de Dieu, nous sommes alors confrontés à la tâche de trouver une manière (une méthode) et une action qui supprimeront cette contradiction. Ceci renforcera la croissance du mouvement qui cherche à intégrer la vie et la foi. C’est dans le processus d’engagement dans une telle action remplie de l’Esprit – la forme principale et ultime de la spiritualité de la JECI – que nous croyons rencontrer Dieu au plus profond.

Tout ce que nous faisons dans le mouvement est orienté vers l’action. Pourquoi cela ? Parce que nous voulons créer quelque chose de différent dans notre monde. Nous voulons un changement – transformation – au niveau mondial, et dans les vies de chaque étudiant ! Et nous ne pouvons pas faire cela seulement en parlant ou en priant (quoique ce soit également nécessaire). Nous devons faire des choses qui créeront cette différence. Dans chaque groupe ou association, les gens font beaucoup de choses, mais dans notre mouvement, une action n’est pas simplement une action quelconque. Nous avons une manière particulière de comprendre l’action qui est le reflet de notre spiritualité particulière. Quel est, alors, le contenu d’une action pour nous ?

Actions ou Activités

Il est important de commencer en faisant une distinction entre les actions et les activités, puisque, pour nous, elles ne sont pas nécessairement la même chose.

Les activités sont des événements organisés normalement par les leaders d’un groupe ou d’un mouvement (un comité ou un bureau) pour permettre la participation de ses membres ou d’autres publics ciblés. Les liturgies, discussions, interventions, débats, fêtes, loisirs, pèlerinages, sessions de formation ou d’entraînement, retraites, etc… en sont des exemples. Ils sont tous essentiels à la vie de n’importe lesquelles de nos équipes (comme de toute autre association). Cependant, dans notre mouvement, notre compréhension de l’action est très différente de cela.

Pour nous, une action est quelque chose de planifié et réalisé par un groupe ou par des individus, en réponse à une expérience particulière, sur laquelle on a réfléchi, et qui révèle un besoin particulier exigeant une réponse. Ainsi, le point de départ pour déterminer une action est toujours l’expérience personnelle d’un membre ou des membres du groupe. Une telle expérience n’est pas une pensée, ou une idée, ou un souhait, mais quelque chose qui été rencontré réellement : une chose méchante qui a été dite ou faite, une souffrance éprouvée par un ami, quelque chose qui est arrivé dans la classe à l’école, quelque chose que nous avons vu dans un programme d’immersion…. Le point de départ est donc de raconter l’histoire de l’expérience. Il est suivi d’une analyse et d’une évaluation plus profondes de ce qui s’est produit (la partie `Voir’ et `Juger’ de notre méthodologie décrite dans les sections précédentes), qui identifie un besoin exigeant une réponse. À la lumière de cette réflexion, un plan est alors dressé pour faire quelque chose qui commencera d’une manière ou d’une autre à aborder la question identifiée. Ce `quelque chose’, pour nous, est une ` action ‘ !

Donc, dans notre mouvement, une action est :

– Quelque chose que nous faisons, qui émerge de notre réflexion sur une expérience concrète, de sorte que chacun se `l’approprie’, et se sent enthousiaste pour la mettre en oeuvre. Ce n’est donc pas simplement une `activité’ habituelle de l’association.

– Quelque chose de planifié par tous les membres (pas seulement les leaders), de préférence dans une petite équipe.

– Quelque chose qui a pour but de transformer l’expérience de la vie rencontrée par les étudiants, quelque chose qui créera du neuf.

– Pas nécessairement quelque chose de grand impliquant beaucoup de gens (comme une grande conférence, ou un rassemblement). Cela peut même être juste une tentative pour parler à quelqu’un au sujet de la question abordée. Le principe de base est qu’il n’y a aucune action qui ne soit trop petite ! La parabole de `graine de moutarde’ (Marc 4,30-32) est un bon exemple du sens de l’action dans notre mouvement. La plus petite des graines peut finir par être la plus grande des plantes. Même la plus petite action peut finir par avoir un effet au delà de ce que nous pouvons imaginer !

– Quelque chose que nous faisons qui vise à attirer les autres dans notre mouvement, qui vise à évangéliser. Nous ne faisons pas d’action pour notre propre gloire (pour nous promouvoir, nous ou notre propre mouvement), mais pour aider les autres à découvrir la “bonne nouvelle” offerte par Jésus, aussi bien qu’à grandir dans l’engagement pour l’accomplir dans notre monde. Ainsi, notre petite équipe a toujours un sens de la mission envers le groupe plus grand dont nous sommes une partie (l’école, la classe, la communauté de l’aumônerie, etc..). C’est une école de formation, donnant la capacité à de jeunes personnes laïques d’être des leaders chrétiens avec le droit et le devoir d’évangéliser. Et nous sommes concernés par l’extension du mouvement particulièrement là où l’Evangile n’est pas encore annoncé, au-delà des frontières de l’Eglise.

Naturellement, beaucoup ‘d’activités’ peuvent aussi être des ‘actions’, mais seulement si elles apparaissent comme une réponse à une expérience qui doit être affrontée, afin de la transformer. Ainsi, par exemple, un besoin de formation particulière et régulière pour des individus ou un groupe peut surgir. Dans un sens, on pourrait dire que toute activité d’une certaine manière aborde un certain besoin, puisque, sans avoir éprouvé un tel besoin, personne ne pourrait y participer. Cependant, des activités sont fréquemment organisées simplement parce que c’est la tradition du groupe, ou parce que c’est dans la description des fonctions des leaders de faire ainsi, sans aucune perspective de changer quoi que ce soit. Dans cette perspective, l’activité peut devenir simplement une fin en soi, fournissant peut-être une stimulation ou un amusement aux participants, mais faisant peu, sinon rien, pour transformer leurs vies. Le défi est, donc, d’évaluer régulièrement les activités que notre groupe organise, pour voir si elles sont devenues des fins en soi, ou si elles permettent aux participants de changer leurs vies.

6.2 Une Spiritualité de l’Action

Découvrant cette perspective, certains pourraient nous considérer comme des ‘activistes’, qui se concentrent sur le faire plutôt que sur l’être. Ou bien nous sommes parfois étiquetés comme ‘mouvements d’action’, distingués des ‘mouvements spirituels’. De telles étiquettes impliquent souvent que nous ne sommes pas ‘spirituels’, et, donc, d’une façon ou d’une autre, en marge de l’Eglise, dont la tâche principale serait ‘spirituelle’. Si nous sommes considérés sous cet éclairage, c’est soit parce que ceux qui disent cela fonctionnent avec une compréhension étroite de la ‘spiritualité’, qui est limitée aux sphères de la prière et de la liturgie, soit parce que nous ne sommes pas fidèles à la tradition de notre mouvement.

Une des contributions particulières que notre mouvement offre à l’Eglise est la richesse d’une spiritualité de l’action. Nous croyons que Jésus nous appelle tous à une conversion permanente sur le chemin du Royaume de Dieu. Cependant, la vraie conversion n’a pas lieu simplement en parlant ou en priant. Nous devons discuter afin d’acquérir une compréhension plus profonde de nos vies et de ce que Dieu veut de nous, et nous devons prier afin de tirer énergie et motivation de la source de notre foi. Cependant, c’est particulièrement quand nous plaçons nos corps là où nos esprits et nos coeurs l’ont indiqué, que nous pouvons parvenir à une véritable compréhension et connaissance de Dieu. Et ` bouger nos corps’ signifie ‘accomplir l’action’ ! N’importe quel expert en ‘Processus d’Apprentissage’ confirmera qu’en ‘faisant’ nous apprenons considérablement plus qu’en ‘écoutant’ ou en ‘parlant’. Ainsi, c’est en ‘faisant’ ce que Dieu veut de nous (en transformant le monde, pour permettre au Royaume de Dieu d’y apparaître), que nous parvenons à une connaissance de Dieu beaucoup plus profonde (Jacques 2,14-26).

En trouvant l’Espoir

En outre, c’est particulièrement en faisant l’action que nous trouvons l’espoir. Dans beaucoup de pays que j’ai visités au cours de ces années, les étudiants que j’ai rencontrés (dans notre mouvement) ont fréquemment exprimé un manque d’espoir de changer leurs situations difficiles. Ils imaginent que seuls ceux ayant le pouvoir ou l’argent  (généralement de l’extérieur) peuvent aider à offrir le salut. Souvent, plus nous parlons et analysons des situations difficiles, plus nous nous désespérons, et nous finissons par seulement nous plaindre. J’ai souvent entendu dire : “Analyser à l’excès mène à paralyser l’action”. Cependant, j’ai découvert que, lorsque nos membres font quelque chose (même quelque chose de très petit) pour aborder les problèmes identifiés, ils se plaignent beaucoup moins (même s’ils souffrent toujours), et ils ont beaucoup plus d’espoir. Ils en viennent à croire qu’ils peuvent faire la différence, peu importe qu’elle soit petite, et que par conséquent que les choses peuvent changer !

L’un des plus grands tueurs d’espoir est l’esprit ou la mentalité de dépendance qui existe dans beaucoup de parties de notre mouvement. Beaucoup d’équipes ont commencé avec une aide financière substantielle de la part de bienfaiteurs ou de donateurs amicaux (généralement dans des milieux d’Eglise). Cependant, après quelques temps, cet appui a souvent diminué ou s’est même arrêté complètement. Cela a souvent rendu nos équipes impuissantes et désespérées ! Cependant, avec notre spiritualité de l’action, nous croyons que, avec un peu de créativité et de foi, nous pouvons trouver des moyens pour vaincre une mentalité de dépendance, pour devenir plus autonomes – pour découvrir les ressources qui sont en notre sein – et pour cesser de considérer le salut comme quelque chose qui vient seulement de “l’extérieur” !

Réflexion Indispensable

Afin que notre action soit spirituellement nourrissante, il y a également un préalable absolu pour elle : d’être précédée et suivie de réflexion, de sorte que nous puissions comprendre pourquoi nous la faisons, et évaluer quel effet elle a eu sur nous et sur le monde. Si cela manque, nous pouvons facilement perdre le sens de l’action, et soit tomber dans ‘l’activisme’ simple, qui peut alors facilement mal s’orienter, soit rester simplement désespérés.

Conscience d’une action comme action

Nous ne pouvons évaluer la valeur réelle d’une action que si nous sommes conscients d’elle comme action. Dans plusieurs de nos mouvements, j’ai découvert (mais seulement après avoir sondé très profondément) que beaucoup de bonnes actions sont faites, mais elles ne sont pas identifiées comme actions, et par conséquent leur impact positif est perdu. Laissez-moi illustrer cela par un exemple.

Quand j’ai visité dans le passé la JEC de Tyr au Liban, et alors que j’étais conduit à notre lieu de réunion, j’ai remarqué des signes peints sur les murs (en arabe, que je ne pouvais pas lire) tous le long du chemin, signés par l’emblème (que je pouvais lire) de la JEC. On m’expliqua que c’était une exhortation pour que le quartier soit maintenu propre, tout en donnant également la visibilité du mouvement comme présence chrétienne dans un secteur principalement musulman où les Chrétiens se sentent souvent menacés et impuissants. Peu après, lors de notre réunion, quand j’ai demandé dans quelles questions et actions ils étaient impliqués, on me parla de discussions au sujet du chômage, d’un concert culturel, et des soirées pour la collecte de fonds. Lorsque je me suis enquis des signes sur les murs, il y eut de la surprise, car c’était quelque chose considéré simplement comme acquis. C’était là une excellente action, pourtant on ne l’avait pas identifiée en tant que telle. Au lieu de cela, ils se référaient seulement aux activités qui impliquaient des foules. En conséquence, une grande partie de l’impact spirituel de l’action fut probablement perdue.

C’est pourquoi nous devons revisiter la compréhension de l’action de notre mouvement, de sorte que nous puissions tous devenir des protagonistes conscients du monde nouveau voulu par Dieu.

Ainsi l’engagement réfléchi et conscient dans l’action nous permet de rencontrer Dieu plus profondément dans la découverte de l’espoir, en introduisant une différence positive dans la vie des gens et en bâtissant le mouvement qui cherche à rendre présent dans notre monde le Royaume de Dieu de liberté, de justice et de paix.

7. Conclusion

La spiritualité de la JECI, une spiritualité intégrant la réflexion et l’action, que nous appelons la “Révision de Vie”, est donc un processus de focalisation permanente sur la réalité, l’Evangile, et l’action. C’est en prenant chacun de ces points de focalisation sérieusement dans un processus continu d’approfondissement de notre compréhension de l’expérience de la vie réelle, d’une réflexion perspicace sur l’Evangile, et d’une action réfléchie visant à transformer notre réalité, que nous croyons que nous pouvons rencontrer Dieu au plus profond, découvrir la Vérité, et de ce fait devenir les instruments de Dieu en permettant au Règne de Dieu d’arriver.

Certaines convictions au sujet du sens (contenu) de l’Evangile, et des méthodes (forme) d’évangélisation nécessaires pour réduire la contradiction entre la vie et la foi sont implicites dans chacun de ces points de focalisation. Nous pouvons ainsi résumer notre spiritualité en mettant en évidence les éléments suivants, qui se focalisent sur la vie, la foi, et la méthode dans un processus unifié, et qui peuvent servir comme critères pour évaluer si nous vivons vraiment une spiritualité intégratrice de l’action et de la réflexion :

Vie Une Spiritualité pour voir l’ensemble de la vie – de façon concrète, critique et profonde

1. Prenons-nous en considération toutes les dimensions de la vie, et cherchons-nous l’harmonie entre elles ? (ou bien en tenant compte seulement de l’une ou l’autre isolément ?)

2. ‘Voyons-nous’ de façon concrète, profonde et critique ? (ou bien de façon abstraite et superficielle ?)

Foi Une Spiritualité pour juger la réalité et nos propres valeurs avec les yeux de Jésus Christ

3. Cherchons-nous personnellement à connaître des personnes qui sont pauvres et marginalisées, et essayons-nous de voir des choses de leur point de vue (ou bien du point de vue du riche et du puissant ?)

4. Est-ce que nous promouvons la vie et permettons à des personnes d’être libres, épanouies, responsables et autonomes ? (ou bien promouvons-nous l’oppression et la dépendance et exigeons-nous une obéissance craintive et aveugle à des lois absolues préfabriquées ?)

5. Permettons-nous à tous ceux qui sont impliqués de participer réellement ? (ou bien maintenons-nous le pouvoir dans les mains de quelques uns seulement ?)

6. Bâtissons-nous une communauté où chacun a une dignité égale et un esprit de solidarité ? (ou bien promouvons-nous l’individualisme qui considère quelques personnes comme dignes de plus de privilèges ?)

7. Aidons-nous des personnes à dialoguer avec des groupes et avec des vues différentes des leurs, et à rechercher la vérité avec un esprit ouvert ? (ou bien permettons-nous aux personnes de s’accrocher à leur propre vérité, ou de la considérer comme absolue ?)

Méthode Une Spiritualité de l’action visant à transformer notre expérience de la vie

8. Notre action apporte-t-elle une différence dans les situations de la vie que nous voyons ? (ou bien s’éloigne-t-elle de celles-ci ?)

9. Permet-elle à ceux qui sont impliqués de trouver la liberté, la justice et l’espoir ? (ou bien les laisse-t-elle comme ils sont ?)

10. Est-ce qu’elle aide les autres à se rapprocher du mouvement en découvrant l’engagement (ou bien les laisse-t-elle avec eux-mêmes tandis que nous cherchons notre propre gloire ?)

La pertinence de la Révision de Vie aujourd’hui

Depuis que la JECI a été fondée, sa spiritualité a toujours été décrite dans la plupart des termes utilisés ci-dessus. Cependant, tout en en utilisant le même langage (particulièrement voir juger agir), la compréhension et la pratique réelles de la Révision de Vie a varié énormément. Ainsi, alors que beaucoup d’équipes locales de la JEC essayent d’utiliser consciemment la même forme (méthode) de la spiritualité (voir juger agir), cela n’a pas nécessairement produit le résultat (contenu) désiré. Cela a fréquemment conduit des membres à éprouver cette méthode comme mécanique, rigide, ennuyeuse, et même opprimante, précisément à l’opposé du monde que nous essayons de construire ! Et par conséquent cela a diminué notre impact sur le monde !

Ainsi, alors qu’il est extrêmement précieux (et peut-être même nécessaire) d’utiliser cette méthode (forme) pour parvenir à notre but, il est important d’éviter de la voir en termes étroits. Elle est moins une formule rigide et mécanique qu’un rappel pour nous à garder continuellement en large perspective les trois dimensions de focalisation sur la réalité, focalisation sur les critères de foi, et focalisation sur l’action transformante. Cela nous permettra de maintenir une focalisation prioritaire sur le contenu de notre spiritualité – les critères que nous utilisons pour évaluer notre pratique – sans nous perdre dans un jargon de méthodologie. Cela nous permettra également de tirer bénéfice consciemment de la variété des autres méthodologies que nous tendons à utiliser de toute façon (étude de la Bible, immersions, méditation silencieuse, etc.), et qui peuvent nous aider à approfondir notre compréhension de chacune de ces trois dimensions.

Ainsi, à travers notre spiritualité intégrant la réflexion et l’action, nous essayons de donner à chacun de nos membres la capacité d’acquérir une conscience profonde de Dieu dans leurs propres vies, leurs écoles, notre Eglise, et notre monde, en leur donnant l’espace (de préférence dans de petites équipes) pour réfléchir profondément sur leur expérience personnelle, pour l’évaluer, et ensuite pour agir afin de transformer chacun de ces domaines. En développant cette capacité, nous deviendrons vraiment un mouvement qui forme des leaders qui sont pleins d’espoir, et qui auront un impact important en inspirant la foi qui permettra au Royaume de Dieu de devenir une réalité dans notre monde.