Compte-Rendu 6-7 juin 2016, salle 5, Palais de l’Europe, Strasbourg

        Ouverture

La démocratie d’un pays se mesure surtout par le dynamisme et la pluralité de ses ONG qui, par leur proximité avec les citoyens, engagent la communication entre les différents segments de la société et les institutions politiques. À l’heure actuelle, dans plusieurs pays, des lois, des mesures et des décisions politiques réduisent la capacité des ONG à s’engager dans des activités visant à participer et à introduire des changements dans les politiques publiques, souvent en rapport avec des restrictions à l’accès au financement étranger.

Quels sont les défis auxquels les ONG font face à une époque où l’espace de la société civile se restreint?

  • Accueil par Anna Rurka, Présidente de la Conférence des OING

Veiller à ce que les ONG soient considérées comme des agents démocratiques participant à la vie démocratique dont le droit d’expression est protégé et les financements assurés.

  • Discours liminaire d’Intigam Aliyev, défenseur des droits de l’homme d’Azerbaïdjan et membre du Conseil d’experts sur le droit en matière d’ONG. 7 ans et six mois en prison, libéré par anticipation après 1 an et 8 mois

Il existe toujours des pays où il n’est pas possible d’exprimer des avis différents du gouvernement. Mon pays fait partie de ces pays là. La société civile y a été éliminée. Les appels lancés par les organisations internationales pour le respect des droits des ONG ont conduit à leur expulsion. Cependant l’action permanente de ces organisations, de parlements de plusieurs pays, a permis la libération de plusieurs détenus politiques mais souvent avec l’impossibilité de quitter le pays, des impositions fiscales exorbitantes, des poursuites multiples, intimidations, …

La Russie a un rôle puissant dans la région pour détruire la société civile avec des techniques copiées par plusieurs pays de la région : Turquie, Belarus, …

Les ONG de défense des droits de l’homme sont obligées de se faire immatriculer à l’étranger. Elles sont privées de toute collaboration avec le gouvernement sauf à s’interdire de toute expression critique. Beaucoup ont accepté ces conditions restrictives.

Les organisations internationales telles que le CoE doivent être très prudentes dans leurs contacts avec les gouvernements de ces pays autoritaires. Ils doivent exiger la libération de tous les prisonniers politiques. En raison de la baisse du pétrole, le gouvernement a besoin de financements extérieurs, c’est pour garder ces financements qu’ils consentent à des libérations.

La justice, la presse, la société civile ne sont pas indépendantes, lorsque vos pressions permettent de libérer des prisonniers politiques, ils se retournent ensuite sur leurs enfants !

  • Déclaration d’Astrid E. Helle, Ambassadeur, Représentante permanente de la Norvège auprès du Conseil de l’Europe et président du GR-DEM.

Aujourd’hui je prends la parole au nom des 47 états membres. Evidemment la société civile apporte une contribution importante tant au sein de notre institution que dans les états membres. Mais pour être efficace il faut un cadre contraignant : article 11 de la convention européenne des droits de l’homme : Liberté de réunion et d’association. Pour cela il y a l’obligation juridique qui s’impose à tous les membres de créer les conditions le permettant.

Mise en place d’un dialogue entre le GR-DEM et les ONG et nous sommes ravis de constater que la COING collabore à cette démarche. Mais il faudrait éliminer les représailles que subissent certaines ONG dans certains états membres. Définition d’un programme et de son financement pour 2016. Cette conférence s’inscrit dans ce programme.

Rapport du secrétaire général sur l’état des lieux sur la protection des défenseurs des droits de l’homme.

Première session: la liberté d’association

Les droits à la liberté d’expression, de réunion et d’association sont protégés par la Convention européenne des droits de l’homme (articles 10 et 11). Leur exercice est non seulement une question de jouir des droits de l’homme et des libertés fondamentales, mais aussi des droits civils et politiques. Comment renforcer la capacité des ONG à agir à part entière en tant qu’acteurs démocratiques ?

  • Discours introductif et modération de la session par Nils Muižnieks, Commissaire aux droits de l’homme

Première condition pour que les ONG et défenseurs des droits de l’homme puissent exercer leur rôle : assurer leur sécurité

Interventions concernant la Fédération de Russie, la Turquie, l’Azerbaïdjan

De plus en plus d’ONG disent qu’on ne les écoute plus, que les politiques contestent leur légitimité dans de nombreux pays du CoE. La question de leur financement se pose aussi dans de nombreux pays, ce qui veut dire que dans de nombreux pays, seules les ONG importantes et « professionnelles » subsisteront.

Contributions de:

–       Olga Abramenko, Expert pour l’ADC “Memorial”, Représentante du mouvement mondial pour les droits de l’homme (FIDH)

Fédération de Russie, Moldavie, Ukraine de l’Est, pays membres du Caucase. Militants placés en hôpital psychiatrique comme du temps de l’URSS. Lois restrictives, obligations de se déclarer comme  « agent étranger ». Tentatives de plus en plus importantes de lancer des campagnes de diffamation contre les militants. Evolutions négative.

–       Maria Dahle, Directrice exécutive, Fondation de la Maison des droits de l’homme (Human Rights House Foundation)

Des militants sont libérés sous la pression des organisations internationales. Les Nations Unies ont créé un rapporteur spécial sur la liberté d’expression et d’association avec des résolutions très musclées. Société civile très actives à l’ONU et je suis heureuse de constater la même chose au CoE. Les représailles conduisent à une autocensure des défenseurs des DH ou des ONG. Cela induit le fait qu’il y a peu de cas répertoriés. 

–       Brigitte Konz, Présidente du Comité Directeur pour les Droits de l’Homme (CDDH)

En 2017, conférence sur la responsabilité civile des entreprises en matière de DH. Différents groupes de travail au sein du CDDH. La place des ONG est de plus en plus active et participative dans les commissions et groupes de travail. Une demande aux ONG : collecter des données spécifiques et fiables et partager les bonnes pratiques, proposer des suggestions de formation par exemple, contribuer à la propagation des recommandations, suivre leur application et signaler les manquements.

–       Andrea Rossi, Chef adjoint, Division des droits de l’homme et de la diplomatie multilatérale, service européen d’action extérieure, l’UE

Pour justifier les restrictions aux libertés il faut des outils diplomatiques, financiers, d’engagement avec la société civile

–       Loredana Tassone, Expert pour le Comité des droits de l’homme et la Délégation permanente à Strasbourg, Conseil des barreaux européens – Les avocats européens pour le droit et la justice (CCBE)

45 membres, dont 32 effectifs, 3 associés, 10 observateurs. Représente un million d’avocats européens. Défense des avocats en danger

 Débat : création d’une plateforme de défense des défenseurs des DH ?

  • Une telle plateforme existe pour la défense des journalistes
  • Même initiative pour la protection des avocats ?
  • Quels sont les mécanismes à mettre en place pour un « reporting » permanent au sein du CoE ? Une plateforme telle qu’évoquée permettrait d’émettre des alertes auprès des dirigeants politiques des états concernés, qui sont appelés à répondre, même sans qu’il y ait un pouvoir coercitif du CoE. Donc possibilité d’une action préventive.
  • Aucune défense n’est possible sans la protection du secret professionnel
  • Les droits des femmes sont bafoués dans de nombreux pays européens
  • La sélection prénatale du sexe des fœtus existe aussi dans certains pays européens
  • Les agences de terrain du CoE, les ambassades de l’UE : Le seul fait d’être présent et de prendre la parole est déjà un acte de protection des défenseurs des droits de l’homme. Il faut poser des questions publiques et/ou privées. Les ONG ont un travail complémentaire, utile et nécessaire à mener. Quand vous repérez quelque chose qui ne va pas dans votre pays, dites-le nous !
  • Utilisation du prétexte du terrorisme pour justifier des mesures répressives à l’encontre des défenseurs des droits de l’homme, des ONG. (Israël est spécialiste en la matière et exporte ses techniques dans d’autres pays !).
  • Nous avons besoin d’actions plus fortes pour l’exécution réelle des arrêts de la CEDH, des recommandations du Défenseur des Droits de l’Homme. Les agences de terrain du CoE devraient remplir cette fonction.
  • Tout mécanisme permettant de mettre en lumière les violations des droits de l’homme est bon à prendre.
  • Le statut des bureaux du CoE varie beaucoup d’un pays à l’autre. Certains sont ouverts avec l’obligation de se taire ! Il en va de même pour l’UE. Il est donc important d’évaluer la façon la plus pertinente de s’exprimer : publiquement ou en privé ?
  • En Slovénie les diplomates envoyés à l’étranger ont une heure de formation sur les droits de l’homme ! la défense des droits de l’homme n’est plus à la mode. Une formation des diplomates serait indispensable et à envisager.
  • Il n’y a pas d’outil actuellement pour évaluer la mise en œuvre des articles 10 et 11 de la Convention. Un état des lieux pourrait passer par une plateforme mais ne nous limitons pas à un seul outil.

Deuxième session: les activités politiques des ONG

Dans une démocratie, les ONG contribuent au débat politique et à l’élaboration de nouvelles politiques et lois. Cet engagement politique consiste à participer aux affaires publiques et influencer la législation; il ne s’agit pas d’obtenir du pouvoir dans les organes élus. Quelle est la différence entre « activités politiques » et « activités de politiques publiques » ? Comment prévenir les entraves faites aux ONG?

  • Discours introductif et modération de la session par Yves Cruchten, Luxembourg, Groupe socialiste, Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe

« Les ONG sont très ennuyeuses pour les politiques ! Le débat politique ne devrait avoir lieu qu’entre politiciens » ! Malheureusement de tels commentaires existent. Ce qui conduit dans plusieurs pays à ce que les ONG soient menacées, dévalorisées, considérées avec méfiance, voire sujettes à des discours de haine. Si la démocratie a encore une signification elle suppose une confrontation pacifique des idées, des opinions, une bonne coopération entre les politiques et la population. Le CoE a défini les recommandations sur le droit des ONG et c’est à nous les politiques d’assurer leur mise en œuvre.

  • Déclaration de Mihai Lisetchi, Secrétaire d’Etat, Ministère de la consultation publique et le dialogue civique de la Roumanie

Le concept de gouvernance ouverte : transparence, consultation publique, responsabilité. Renforcement de la participation de la société civile à toutes les étapes du processus des politiques publiques par la mise en place d’un cadre législatif pour stimuler la participation des ONG.

  Contributions de:

–       Päivi Anttila, responsable principale de la société civile – subventions de l’Espace Economique Européen et de la Norvège

Soutien à la société civile dans 16 états européens, récents et du sud. Renforcement de la société civile pour promouvoir la démocratie et les droits de l’homme. Défi du discours politique négatif à l’encontre des ONG et défenseurs des droits de l’homme. Nous proposons un financement pour renforcer ces organisations, leur capacité de communication de leur message au sein de la société où elles évoluent. Si le publique ne les connaît pas elles sont vulnérables aux pressions. Nous distribuons nos fonds par le biais d’opérateurs indépendants des gouvernements. Nous apportons aussi une aide juridictionnelle.

–       Konstantin Barinov, membre du Conseil de coordination,  Mouvement international de jeunes pour les droits de l’homme (Youth Human Rights Movement – YHRM)

Mon ONG était chargée de suivre la mise en œuvre de la loi sur les acteurs étrangers en Fédération de Russie. Trois concepts : activités politiques destinées à acquérir le pouvoir, activités contribuant aux politiques publiques, activités de lobbying. Est-ce que l’activité politique a un but collectif ou privé ?

L’activité politique, telle que définie par la législation, est tout ce qui est destiné à modifier la politique nationale ou l’opinion publique. Les autorités considèrent qu’il s’agit d’un lobbying commercial au profit d’organes étrangers ! Bien évidemment cette définition n’est pas juste, nous ne défendons pas des intérêts particuliers mais des causes ! Des amendements ont été apportés à la loi mais pour la rendre encore plus restrictive. Toutes les ONG sont qualifiées d’agents étrangers et la seule façon de contester est d’aller devant les tribunaux, ce qui est voué à l’échec. Cela est contraire aux règles du CoE dont la Russie est membre. La définition de l’activité politique pour les ONG est différente de toutes les autres entités.

–       Katerina Hadzi Miceva, Directrice du Centre européen pour le droit du domaine non-lucratif (European Center for Not-for-profit Law), membre du Conseil d’experts sur le droit en matière d’ONG (Intervenante remplacée par Cyril Ritchie)

« Pour les ONG les politiques sont également une nuisance ! »

Arrêt de la CEDH : Le fait que les objectifs d’une ONG soient considérés comme « politiques » ne devrait pas conduire à une atteinte à sa liberté de réunion. Il n’existe pas de définition universellement acceptée de ce qu’est une activité politique. Les états doivent en donner une définition précise. En aucun cas ces activités peuvent être interdites.

–       Jacope Leone, Agent pour la gouvernance démocratique, Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’OSCE

57 états participants. Aide à ces pays dans le renforcement de la société civile avec une priorité sur la défense des défenseurs des droits de l’homme. Elaboration des stratégies politiques des états en matière de mise en œuvre de la défense des droits de l’homme. La situation s’aggrave dans la plupart des états participants à l’OSCE. Il y a un manque de confiance dans nos structures démocratiques : parlement, justice. Quand les ONG sont fortes, les institutions rendent plus compte de leurs actions, cela permet de rétablir cette confiance dans les institutions démocratiques. Plusieurs lignes directrices ont été élaborées avec le CoE.

 –       Andrei Pop, Directeur des programmes, Fondation pour le développement de la société civile (Roumanie)

Nous analysons les facteurs favorisant la participation des ONG aux processus de décision politique. Les ONG ont le droit de fonctionner sans restriction y compris à influencer les politiques publiques. Toutefois les relations avec le pouvoir sont instables car ce dernier peut créer des relations de méfiance. Une coalition d’ONG a réussi à créer de tous petits partis politiques émanant de ces ONG. C’est ainsi que de nombreux représentants d’ONG sont entrés dans des conseils municipaux.

–       Danny Sriskandarajah, Secrétaire général, CIVICUS (message vidéo)

175 pays membres. Dans 101 pays l’année passée nous avons constaté des violations d’au moins un droit civique et cela va croissant !

Débat : La Russie fait elle une promotion de sa loi sur les ONG ?

  • Cette loi est tellement bien ficelée qu’elle fait des émules dans certains pays en la reprenant directement.
  • L’argument répété est que cette loi n’interdit rien, elle demande seulement de la transparence !
  • Or cette loi viole le droit international et européen et personne ne s’y oppose. Il faut donc élever la voix, faire un travail de surveillance et publier ces violations.
  • Dans certains pays de l’Est il y a de nombreuses petites associations, brillantes, dévouées, actives, mais qui n’ont plus d’argent pour fonctionner. Elles n’ont pas besoin de beaucoup d’argent, comment privilégier leur financement ?
  • Est-ce que votre organisation a des programmes pour aider ces petites ONG à s’organiser, se regrouper ?
  • A l’OSCE nous avons des antennes de terrain dans de nombreux pays et nous aidons les ONG locales.
  • Il faut absolument bien faire la différence entre activité politique « partisane » et activité politique au sens de participation à la vie publique, collective. Mais attention, dans les langues slaves il n’y a pas de différence de langage entre « politics » et « policy ».
  • Les ONG sont là pour changer le monde, donc il faut être critique.
  • Les ONG locales ont besoin d’un soutien moral, d’une défense de leurs droits, pas forcément de formation car elles ont souvent plus de compétences que leurs « formateurs » ! (mais tous les participants au panel ne sont pas d’accord).

Troisième session: Financements étrangers

« Les ONG devraient être libres de solliciter et de recevoir des contributions – dons en espèces ou en nature – non seulement des autorités publiques de leur propre Etat, mais aussi de donateurs institutionnels ou individuels, d’un autre Etat ou d’organismes multilatéraux … » [CM/Rec(2007)14, paragraphe 50], mais un nombre considérable de pays ont introduit des lois qui de jure ou de facto limitent l’accès des ONG aux fonds étrangers.  Quelle est la situation des ONG? Quelles mesures sont prises par les gouvernements et les donateurs pour réglementer et fournir un soutien financier aux ONG?

  • Discours introductif et modération par Cyril Ritchie, Président du Conseil d’experts sur le droit en matière d’ONG

« Un grand nombre de gouvernements tendent à reléguer la société civile à un rôle de plus en plus réduit » (Secrétaire général des Nations Unies). Des fonds importants voyagent au delà des frontières, certains sont illégaux, mais ils ne nécessitent pas de lois particulières contrairement à ceux qui concernent le financement des ONG.

  Contributions de:

–       Gunnar M. Ekelove-Slydal, Secrétaire général adjoint, Comité Helsinki de Norvège

Le 25/4/2013, au tribunal en Russie, le groupe Kolos chargé de surveiller les élections, a été considéré comme un agent étranger, ses membres n’ont pas réussi à convaincre les juges du bien fondé de leur actions. D’autres pays imitent la Russie et mettent des bâtons dans les roues des ONG. Mr Orban considère que les organisations de la société civile (en particulier de défense des droits de l’homme) sont au service des intérêts de l’étranger. D’autres pays font de même. Les organisations internationales doivent insister sur la différence entre défense des droits de l’homme et action politique.

Financement ne signifie pas de rémunérer, acquérir, c’est mettre de l’argent destiné à défendre les droits humains. Les entreprises ont une responsabilité sociale qui consiste à financer les ONG. Des sanctions ciblées sur les auteurs de violations doivent être mises en place

–       Anna Gerasimova, Directeur, Fondation de la Maison des droits de l’homme (The Barys Zvozskau Belarusian Human Rights House)

Le Belarus utilise beaucoup de mécanismes répressifs dont la Russie s’inspire et perfectionne. Les situations en Belarus et en Azerbaïdjan sont assez semblables. Trois types de financements provenant du secteur privé (sportives en général), gouvernemental (sportives, aide à l’enfance), étranger (très réglementé, enregistrement auprès de la Présidence). Si les fonds sont utilisés sans autorisation vous vous exposez à des sanctions pénales. Interdiction d’utilisation des fonds pour certaines activités, l’extrémisme est interprété de façon très large, toute forme de sensibilisation du public, manifestation, grève, est interdite.

–       Marko Grdosic, Président du Conseil consultatif de la jeunesse du Conseil de l’Europe et président d’AEGEE-Europe

Système de cogestion avec les gouvernements pour tout ce qui concerne la jeunesse. Notre conseil consultatif coopère avec le fonds européen de la jeunesse. Lorsque la loi sur le financement en Russie a été promulguée de nombreuses ONG n’ont pu continuer à demander des fonds au CoE. Nous pouvons utiliser le CoE comme porte voix, mais la discussion n’est pas à l’ordre du jour avec la Fédération de Russie. Mais tous les pays ayant un gouvernement totalitaire de droite sont concernés. Comment aborder les problèmes en marge de la légalité ? Mon pays la Croatie est concerné !

–       Ishai Menuchin, Président du Conseil d’Administration d’Amnesty International Israël

Les ONG de défense des droits de l’homme ont reçu 5% de la totalité du financement de la société civile. Les valeurs des droits de l’homme sont considérées comme des valeurs de gauche subversives. Les financements sont répartis suivant le spectre politique. Les ONG de défense des droits de l’homme sont considérés comme des agents étrangers au bénéfice des états européens. L’obligation de publier les financements étrangers a pour but de décrédibiliser les ONG concernées sous prétexte de transparence. Les organisations de droite et les organisations de colons échappent à ces règles !

–       Hanna Surmatz, conseillère juridique, Centre européen des fondations (European Foundation Centre)

Donateurs privés. Dans certains pays les donateurs privés qui étaient les bienvenus sont devenus suspects souhaitant changer le régime. Les restrictions sur les financements étrangers représentent 35% des restrictions. Les banques prennent de moins en moins de risque, elles refusent le transfert de fonds vers certaines régions. Elles ont peur d’être exclues de marchés lucratifs. Certains donateurs cessent tout simplement leurs dons ou doivent chercher de nouveaux outils, numériques en particulier.

Mais les gouvernements cherchent à contrôler les flux en arguant de la lutte contre le terrorisme, le blanchiment d’argent et les trafics en tous genres. Il faut avoir conscience que certains donateurs ont des attitudes paternalistes ou coloniales. Il faut utiliser les mécanismes juridiques existants. Conférences des donateurs pour étudier de nouveaux mécanismes, de nouvelles stratégies. Actions de promotion de l’utilité de la société civile pour le bien commun.

–       Alastair Rabagliati, Directeur des opérations, Fonds européen pour la démocratie (European Endowment for Democracy)

Notre organisation a été mise en place par l’UE après les « printemps arabes ». Notre but est de soutenir les mouvements civiques, les start-ups, … Nous répondons à la demande locale dans les pays avec lesquels nous travaillons, dans leur langue. Soutien aux organisations pour les aider à être en règle avec leurs autorités, lutter contre la corruption. Notre priorité est la sécurité des personnes que nous aidons.

Continuer à mettre la pression pour lutter contre les législations restrictives, pour dégeler les fonds bloqués, pour la libération des militants emprisonnés.

Remarque : nous n’avons pas fait mention du rôle des parlements, comment interpeler les parlementaires qui font les lois ?

Suite de la troisième session: Financements étrangers

Débat :

Coordination des dons entre donateurs au niveau local et européen ? Inclure l’humanitaire dans les financements ? Comment utiliser les systèmes, les canaux de dialogue politique pour que l’aide arrive aux destinataires ? Que se passe-t-il si nous ne parvenons pas à faire arriver nos aides aux organisations de la société civile ? On voit des discours divers en matière de financement étranger au sein de l’UE, quel rôle actif cette dernière peut-elle avoir pour inclure la société civile dans les discussions ?

Mécanisme des défenseurs des droits de l’homme. Question du co-financement. Accords cadres de partenariat visant à financer des plateformes d’ONG plutôt que des projets. Travailler de concert pour renforcer la visibilité des ONG, dialogue avec la société civile pour légitimer les acteurs de terrain.

Souplesse et durabilité du financement. Promotion d’un soutien institutionnel aux ONG. Une des formes à explorer serait de donner un financement aux ONG pour qu’elles mettent en place leurs propres financements, une sorte de pool de financement. L’aide internationale aux ONG devrait suivre cette voie. Il faudrait revoir la législation régissant les comptes à l’étranger.

Norvège. Quelles sont les synergies qui sont créées ?

Les donateurs pensent plutôt à financer des projets spécifiques, à court terme, sans penser à l’avenir, au long terme. Une coopération entre les donateurs est très importante. Du fait des restrictions des organisations s’exilent et il apparaît des compétitions entre celles en exil et celles restées au pays. Les ONG peuvent être ciblées par les gouvernements mais aussi par d’autres. Il est très difficile de parler librement alors que cette conférence est diffusée sur le web !!!

(Conseil de la Jeunesse). Le CoE est ciblé lui-même. Certains de ses financements ont été considérés comme financements étrangers. Initiatives intéressantes dont les détails ne peuvent être détaillés ici. Exclusion de certains groupes, notamment des jeunes. Renforcer les capacités des organisations européennes.

(Israël). Ne pas oublier le coût de la collecte de fonds. 5 à 10% du budget y est consacré. Mais dans certaines organisations cela monte jusqu’à 30%. Il faut avoir conscience que les fonds investis sont obtenus par des moyens assez créatifs. J’aimerais demander aux gouvernements d’être moins exigeants dans vos demandes car vous « gaspillés » une part importante de vos dons en procédures inutiles !

(Fonds européen pour la démocratie). Soutenir ce qui n’est pas soutenable. Nous essayons d’être complémentaires des financements existants. Nous proposons des co-financements. La valeur ajoutée de notre organisation est de combler des lacunes là où les autres donateurs refusent d’intervenir. Nous pensons que dans 20% des cas nous acceptons de refinancer des projets déjà connus, mais dans 80% nos financements vont à des projets nouveaux.

(European Foundation Centre). Il est important que les donateurs locaux interviennent, c’est une tendance à  la hausse qu’il faut encourager. Lorsque des mesures de restrictions existent il faut être sûr qu’elles sont mises en place de façon proportionnée.  (Cyril Ritchie). Il faut être prudent dans le langage utilisé, mais pas au point d’utiliser des termes qui n’ont plus de sens.

(A.   Helle). J’ai été du côté des financeurs et les exigences sont très strictes. Il faut que les ONG définissent leur besoin de façon nuancée, plus vous êtes précis plus nous pouvons justifier un financement. Nous pouvons financer au CoE des programmes triennaux. On peut aussi mettre en place des financements groupés. J’invite la Conférence des ONG à réfléchir à cette idée de plateformes ou de réseaux.

(UE). Nous réfléchissons à la manière de fiancer la société civile de manière plus souple. Nous l’avons fait au Kosovo et allons faire un bilan pour adapter notre politique de financement à ce résultat. Nous mettons aussi un programme de financement destiné aux petites organisations, à hauteur de 60 000 €, avec un formulaire simplifié. Nous entendons vos critiques et agissons pour que les financements aient un meilleur impact.

(Anna Rurka). Les ONG ne sont pas des entreprises, elles doivent avoir cette indépendance de proposer des changements. Elles sont dépendantes de financements publics ce qui dans certains pays leur interdit de faire du plaidoyer. Comment valoriser les actions bénévoles des volontaires ? Quelle est la part du budget consacrée à l’action et celle consacrée au management ?

(Centre Jeunesse). Difficulté de la recherche de financement. Au CoE nous réussissons à garder un contact amical avec les bénéficiaires. Approche plus familiale.

Conclusions et clôture

  • Snezana Samardzic-Markovic, Directrice générale de la Démocratie, Conseil de l’Europe

Je suis là pour vous offrir mon témoignage. Dire combien nous bénéficions ici d’un droit où les ONG ont le droit de s’exprimer, participer aux décisions, aux financements. Nos conventions en attestent. C’est pourquoi nous devons soutenir cela auprès des états membres, sur la base des lignes directrices qui ont été élaborées avec la Conférence et doivent être publiées prochainement.

L’action des ONG est requise localement dans la lutte contre le discours de haine. Idem pour la lutte contre les violences faites aux femmes. Le CoE demeure résolument du côté des ONG. Une approche restrictive est incompatible avec la démocratie. Cela implique la possibilité de leur financement y compris étranger et leur participation au processus décisionnel, y compris la possibilité réelle d’influencer les décisions politiques.

(Cyril Ritchie). Les conventions sont essentielles mais ce qui l’est tout autant c’est leur mise en œuvre. La communauté des ONG est un pilier essentiel du CoE. Dans la conception des instruments il est essentiel que les ONG soient parties prenantes. Elles le sont aussi pour le suivi de la mise en œuvre. Elles ont une fonction de contrôle, de plaidoyer mais aussi d’assistance des gouvernements et de dialogue.

Quelles sont les stratégies de mise en œuvre des outils ? Exemple : enfance, handicap. Le rôle des ONG est indispensable en raison de leur expertise de terrain. Rôle d’information, de sensibilisation du public sur les normes et leur utilisation. Capacité de dire : « qu’est-ce que ça va changer pour vous dans la vraie vie ? »

(Anna Rurka). D’où la question de la traduction dans les différentes langues ? Quelle traduction officielle, pour ne pas trahir la version d’origine ?

  • Anna Rurka, Présidente de la Conférence des OING

Nous avons réussi à mener un débat substantiel. Témoignage du courage d’Intigam Aliyev et des défenseurs des droits de l’homme. Les violations des droits de l’homme dans la durée les rend structurelles, elles deviennent alors difficiles à changer. D’où l’importance du poids que peuvent faire peser les représentations diplomatiques. Les pouvoirs autoritaires et les restrictions à la liberté des ONG sont patentes dans des pays comme la Russie, Belarus, Hongrie, Azerbaïdjan, … mais aussi en Grande Bretagne ou d’autres pays d’Europe occidentale ! Stigmatisation de la criminalisation des défenseurs des droits de l’homme, qui commence par le discours de haine porté par les gouvernements mais aussi par des éléments de la société civile. Législation « prête à porter » de la Russie, utilisable par les pouvoirs autoritaires. La criminalisation des ONG qui aident les migrants. Le délit de solidarité existe dans de nombreux pays. La lutte contre le terrorisme, l’évasion fiscale, … , sont utilisées contre les ONG.

Partager les bonnes pratiques pour « contaminer » les autres. Veiller à ce que dans les pays membres la séparation des pouvoirs soit vraiment respectée. Sinon la société civile perd la confiance dans les institutions publiques et ne veulent plus participer.

(Snezana Samardzic-Markovic). Les questions de sécurité doivent elles être l’apanage exclusif des autorités de défense ou de sécurité nationale ou ne doivent-elles pas être partagées avec la société civile qui les finance ? Attention particulière à la diffusion du discours de haine en ligne.