L’Assemblée du SIIAEC (*) Pax Romana qui s’est tenue du 20 au 22 avril 2018 a réfléchi sur le thème de la solidarité en Europe. L’Union européenne était censée donner le bon exemple en matière de démocratie, de droits de l’homme et d’État de droit, mais les nationalistes et les populistes sont arrivés au pouvoir dans plusieurs pays de l’UE, bien que de manière démocratique. La situation dans les pays qui appartenaient auparavant au bloc soviétique, exige une attention particulière. Les partis au pouvoir croient que la volonté politique est au-dessus de la loi. Nous connaissons cette attitude et ses conséquences de l’histoire récente. L’objectif de cette déclaration est d’inviter nos membres à participer au renouvellement du projet européen. 

Retour à l’histoire

L’Europe a été blessée par de nombreuses guerres, y compris d’énormes conflits religieux. L’UE est une réponse politique, un projet de paix voulu par ceux qui ont subi les effets dévastateurs des politiques racistes ou nationalistes. Plus qu’un ensemble de traités, il s’agit d’une association de peuples et de nations. Elle se construit progressivement par des solidarités “de fait”, les activités économiques étant un des moyens d’y parvenir.

En fait, nous devons nous rappeler les convictions politiques de Robert Schuman, Alcide de Gasperi, Konrad Adenauer et de beaucoup d’autres prophètes de notre temps, qui se sont opposés aux catastrophes humanitaires pendant les deux grandes guerres du XXe siècle. Ils croyaient que si les nationalismes et les intérêts nationaux étroits sont rejetés au profit de la coopération, de la solidarité et de la confiance mutuelle entre les nations et les peuples, nous pourrons vivre en paix.

Évolution

Le contexte a changé ; l’approche libérale de la finance mondiale est devenue dominante, mettant la politique à son service et créant des inégalités et des tensions. Les politiques de haine ont réapparu contre l’establishment, Bruxelles, les étrangers, les migrants, les juifs ou les musulmans. La communication publique, principalement au service d’intérêts économiques ou politiques, a créé une perte de confiance et une tendance au conspirationnisme. Les attentats terroristes et le déclin de la position de l’Europe dans le monde ont développé une culture de la peur, à la recherche d’une protection derrière de nouveaux murs.

Aujourd’hui, les peuples sont fortement divisés, tant au niveau européen entre l’Est et l’Ouest, le Nord et le Sud, les grands et les petits, qu’au sein de pays où les sentiments anti-européens sont en hausse et ont du succès. Ces divisions sont à l’origine des difficultés à prendre des décisions au niveau européen, en matière d’harmonisation fiscale, de politique étrangère, de gestion des crises comme la dette grecque, la guerre en Ukraine, le terrorisme, les vagues de migrants et de réfugiés, le Brexit….

Sources d’inspiration.

– En 1953, Robert Schuman écrivit un article pour la revue de Pax Romana, intitulé “les bases nécessaires de la Communauté européenne” : il ne suffit pas de créer des institutions européennes. “Ce serait comme un corps sans âme. (….) Les peuples de la Communauté européenne doivent reconnaître leur solidarité et leur confiance dans la coopération mutuelle (…) notre objectif doit être d’établir une communauté spirituelle entre les êtres humains et entre les nations”.

– En novembre 2014, le Pape François a effectué une visite au Parlement européen et au Conseil de l’Europe à Strasbourg et a déclaré : “Aujourd’hui, la promotion des droits de l’homme est au cœur de l’engagement de l’Union européenne dans la promotion de la dignité de la personne, à la fois au sein de l’Union et dans ses relations avec les autres pays. L’Europe ne pourra résoudre les problèmes liés à l’immigration que si elle est capable d’affirmer clairement son identité culturelle, de protéger les droits des citoyens européens et d’assurer l’accueil des immigrés”.

– En 2017, 400 jeunes Européens – scientifiques, étudiants, juristes et artistes – se sont rencontrés à Rome. Ils ont présenté un remarquable “Manifeste de Rome” : “Dans la conviction que l’Union européenne d’aujourd’hui est inapte à relever les grands défis de notre temps, dans la reconnaissance que l’avenir européen est entre les mains des peuples, dans la conviction que l’unité européenne, plutôt que la division, est la meilleure façon d’aller de l’avant. ….nous défendons l’Europe…. et nous invitons tous les Européens à se joindre à nous dans cette entreprise.”.

Que faire ?

            Nous croyons que l’avenir dépend de notre capacité à coopérer aujourd’hui. Mais ceci est menacé par la culture de la peur, qui détruit la culture de la solidarité, crée la méfiance et déshumanise les individus et les groupes. Nous devons réagir en encourageant un passage de la peur et de la méfiance à la rencontre, au dialogue et à l’engagement. Tous les acteurs de la société civile, y compris les religions et les différents milieux, écoles ou courants de pensée reflétant la pluralité de l’Europe, sont appelés, dans la mesure de leurs moyens, à promouvoir la solidarité humaine. C’est un défi pour Pax Romana Icmica et SIIAEC.

Comment ?

Voici quelques exemples d’actions :

– Promouvoir des actions au niveau local ou national offrant une expérience de solidarité et de démocratie. Par exemple, les actions du MEIC à Turin, la déclaration du KIK de Varsovie (*) avec d’autres ONG : “Solidarité dans la vérité / Vérité et réconciliation’ appelant à la réconciliation juive -polonaise.

– Partager les actions de nos mouvements au niveau local ou national qui peuvent en inspirer d’autres, à travers le projet “Ecoute et dialogue”.

– Partager nos analyses et créer au niveau européen une plateforme de solidarité pour étudier les expériences et les situations, et approfondir le sens de la démocratie en Europe,

– Inviter des mouvements laïcs d’intellectuels et de professionnels non membres de nos réseaux, à travailler ensemble sur des sujets qui nous concernent tous. Il n’est pas nécessaire de devenir membres, mais il est essentiel de coopérer.

– Renforcer la coopération entre les Miacs (Mouvements Internationaux d’Action Catholique Spécialisée), les jeunes et les adultes, en soutenant leurs projets européens. Nous partageons des perspectives communes avec des approches différentes.

 – Inviter l’Église institutionnelle à défendre la personne humaine dans sa dignité de fils de Dieu, partout où elle est menacée ou méprisée, ainsi qu’à pratiquer la solidarité avec les réfugiés et chercher à les aider. Toute attitude xénophobe est fondamentalement contraire au message de Jésus-Christ.

– Renforcer la coopération avec les ordres religieux engagés dans des perspectives similaires à partir d’un état de vie différent.

– Soutenir l’action de nos délégués dans les institutions internationales : l’ONU et particulièrement le Conseil de l’Europe, en développant de meilleures connexions avec le niveau local.

(*)
KIK (Klub Inteligencji Katolickiej – Le Club de l’Intelligentsia catholique)
SIIAEC Secrétariat international des ingénieurs, agronomes et économistes catholiques;
Pax Romana Miic: Mouvement international des intellectuels catholiques.